Conférence Faculté de Philosophie à Madrid 2 Mars 2002
Défiguration du discours
Configuration de la mémoire: de l’artisanat technologique à l’expression sensible
Considérations générales
Espaces visibles et supposés existants.
Tel le « jeu des miroirs », la diminution par fragmentation d’une dimension produit des espaces corrélés par la mobilité d’éléments « primaires » qui s’ordonnent et se déterminent en fonction de dimensions devenues - par diminution – imaginables dans d’autres dimensions. Dans le cas contraire (une dimension dite « ouverte »), la multiplication d’espaces appartenant à plusieurs dimensions, donne naissance à une nouvelle dimension d’une capacité différente – une macro dimension - supposée également existante au-delà de ses « limites » perceptibles. Ces mêmes éléments qui transitent d’un espace à l’autre, deviennent « visibles » dans leurs phases de transition vers « l’invisible » d’une autre dimension (inférieure ou supérieure), qui à son tour appartient au « visible » d’une nouvelle dimension. Cela sous-entend que ces éléments suivent de manière chaotique des trajectoires dont la particularité est celle de « fixer » et de rendre variables - de point de vue topo-métrique - des espaces formant des chaînes. Certains de ces espaces sont perçus par notre capacité d’entendement, c’est-à-dire ils sont analysables selon une perception élargie qu’engendrent des médiateurs entre l’imaginaire et sa matérialisation en corps différents de par leur aspect visible, devenant ainsi les preuves d’une « vérité » signifiante. De même, ces éléments primaires révèlent leurs identités dans nos dimensions car ils finissent par avoir des fonctions dans la constitution de « corps » complexes.
Leurs mouvements produisent des symétries à l’intérieur d’espaces qui définissent les limites de ces « dimensions » qui sont les nôtres. Cette symétrie des corps est un des aspects fondamentaux qui rend intelligible la signification des sens et permet le phénomène de réplication et par conséquent celui de la mémorisation.
Ainsi, chacune des dimensions possède des « limites » franchissables selon les niveaux de stabilités atteints par des « corps » constitués et supposés existants à l’intérieur d’espaces complexes, à leur tour des contenus et des contenants, dont la flexibilité suscite des mouvements perpétuels et des trajectoires reliant ces dimensions par les éléments existants et supposés existants à « l’infini ». L’ensemble de ces dimensions formerait ainsi un des « support » d’un autre ensemble cartographique à l’image de la construction neuronale décrite par le Pr. Edelman.
Le potentiel fondamental de ces « corps » résultant d’une association d’éléments primaires, réside dans la capacité de constituer les codes permettant la communication sélective. Cela ne signifie pas qu’ils perdent leurs identités primaires, mais qu’ils « rédigent » leur « programme » de fonctionnement interne selon des codes spécifiques à leur nature et qu’ils « communiquent », comme c’est le cas de la cellule, avec les « corps étrangers ».
En règle générale, peut-on affirmer ainsi que toute « chose » primaire est destiné à changer de dimension lorsqu’elle épuise ces capacités acquises à l’intérieur du « corps » qu’elle a constitué en établissant une formulation sur-codifiée évoluée ? – autrement dit, l’absolu atteint de tout corps complexe constitué, est de se « décomposé » afin de pouvoir transiter d’une dimension à une autre, du « visible » au supposé existant.
Dans l’affirmative, nous pourrions dire que ce qui nous paraît présent dans un ensemble d’espaces appartenant à une dimension, est l’illusion de l’absence d’un corps en rapport avec un autre, c’est-à-dire, qu’à travers une écriture commune à deux corps de natures différentes possédant chacun un code spécifique – un « programme » fondamental – il s’engendre des sous-programmes d’évaluation suscitant ou non une évolution. Ces sous-programmes signifient un second pallier qu’identifie l’orientation prise par l’évolution des « corps » afin de définir un espace communicant commun et n’appartiennent à aucun d’eux. En transposant cela à nos propres « mesures » humaines – c’est-à-dire à une autre échelle – nous constatons que ce qui nous compose, développe des capacités induites que nous appelons origines et qui expriment une identité qui nous est trop « lointaine » pour être présente dans le conscient. De par cela nous aboutissons à des figures à travers les « rencontres » dans des espaces appartenant à différentes dimensions dont nous avons ou non, conscience, en classant souvent cela comme imaginaire.
Ainsi, toute notion de discours, de communication, d’expression, de langage, de représentation, etc…, devient une « révélation » de « soi » et de l’affirmation de l’absence et la justification des corps perçus au-delà de l’entendement.
2 – Aspects mnésiques.
Nous avons proposé, dans la première partie, le fait que l’Etre, soit le résultat d’éléments primaires qui « finissent » des trajectoires à travers des dimensions et se « fixent » en s’associant, à l’intérieur d’espaces en tant que corps. En cette raison, ils s’associent en expérimentant le possible de leur fonctionnement figuré au sens biophysique et chimique, dans une dimension à trois perspectives. Ces éléments se déterminent selon une hiérarchie fixant les priorités entre ce qui est vitale (le développement, le sensitif fonctionnel) et ce qui est expressif, c’est-à-dire sensitif et indéterminé.
A l’intérieur de ce « contenant » où se formalise l’écriture à travers des trajectoires chaotiques, celles-ci sont traduites a posteriori, en diverses notations qui rassemblent des signes (d’origines et natures différentes), ordonnés graphiquement et indiquant la corrélation entre les espaces d’une dimension à l’intérieur de laquelle s’ordonnent après apprentissage – entre « culture » et expérience - des sens différents selon les langages utilisés.
Dans le cas de l’homme après la formation fœtale, il change d’environnement à sa naissance et dans la première période, les premiers signes de communication sont exprimés par les fonctions naturelles produisant toutes sortes d’associations perceptives: celles fondamentales (en apparence « mécanique » car vitales, comme par exemple l’oxygénation et la gestion de la température, celles sensitives, qui mènent à son adaptation au nouveau milieu « gazeux » dont les manifestations sont par exemple: épidermique, auditives, olfactives, vocales et plus tardivement visuelles. Il s’agit dans ce cas précis non seulement d’adaptation, mais surtout d’une transition d’un espace à un autre qu’impose un développement rapide des capacités cognitives. Ce développement aboutit par mettre en relation des paramètres complexes, afin d’adapter à travers l’entendement ce qui deviendra sensible ; cet apprentissage se fonde sur la première forme de communication dont la configuration du discours associera et coordonnera les expressions (en tant que réactions) au gestuel et à la vocalité.
Par conséquent dans sa seconde période, celle de l’adaptation, il y a une démarche de codification menant plus tard à la notation coordonnée par l’apprentissage. Si la codification représente une nécessité, cela n’est pas le cas pour la notation qui est plus une qualité induite à l’imaginaire a posteriori de la codification. La notation, naîtra avec l’observation, l’expérimentation de la coordination et de la corrélation (cognition) entre le « corps » complexe et codifié constitué et sa capacité d’entendement du préexistant à travers l’abstraction de « soi ».
Autrement dit le développement de la mémoire affective n’est plus uniquement le lien chimique (hormonale) et gazeux entre la « génitrice » et « l’enfant », mais la relation sensitive liée au développement rapide des fonctions cognitives.
Par conséquent, nous pourrions dire que la corrélation des deux, «fixe » le corps dans trois dimensions traversant une chaîne d’espaces préexistant en tant que support d’une « écriture » destinée à être entendue et notifiée. Il y a prise de conscience lorsque au-delà de ce qui est fonctionnellement vitale, se développe l’imaginaire suite à l’observation et à l’apprentissage de l’existant.
Ce principe fondamental qu’exprime le mot « chaîne », signifie la manière dont l’ordre intérieur impose l’entendement de l’évolution d’un ordre extérieur. Cet ordre extérieur n’est pas celui du « sensible », mais celui à partir duquel l’Etre prend conscience de « soi » afin de développer ce qui est vraisemblable.
Dans ce sens, la conscience de « soi » mène à différents types de notations qui expriment dans leur ensemble, le contenant d’éléments communiquant de l’écriture. Celle-ci, se présente comme vérité fondamentale et subjective et à partir de l’imaginaire, prétend à la définition d’une dimension autre, d’espaces qu’appartiennent à « un 4ème Monde » et qui ne sont que supposés existants.
De cette « écriture » s’engendre le potentiel que possède chaque ensemble complexe de figures - afin de développer, étape par étape, à partir d’un premier niveau « visible » primaire (le corps) - les capacités de passer d’un espace environnementale spécifique à un autre espace d’une dimension supposée existante. L’aspect analysable in facto comme a posteriori de toute perception et observation, est celui du comportement et des trajectoires dues aux modifications biochimiques et biophysiques en fonction d’un environnement et des stimuli agissant sur « soi » et qui mènent entre autres, à la composition de ce qu'on appelle communément l’imagination (image associée à l’idée).
Toutefois, comme dirait le Pr. Vincens, spécialiste en neurosciences, «il serait absurde d’affirmer sa passion pour Chopin en traduisant cela en langage hormonal ».
L’imagination devient ainsi à la fois, une source abstraite de déterminisme et un contenant réductible lors de diverses applications.
Sans vouloir nous égarer de notre sujet, ces quelques considérations proposent un « regard » plus élargi entre ce qui est notre entendement à partir de notre « être » constitué en tant qu’entité fonctionnelle et ce que représente notre « être » dans sa potentialité d’expression, dont la variabilité se fonde sur la spontanéité des comportements.
Il est évident qu’il ne s’agit pas de s’étendre hors du sujet proposé, mais il faut tenir compte du fait que nos comportements dans leurs diversités et leurs unicités (même dans le domaine du sensible), reconfigurent et répondent à des paramètres préétablis qui suivent des évolutions identiques mais appartenant à des espaces-temps dissociés.
Par conséquent, l’imagination s’exprime par le processus du « discours » dont les éléments s’associent, révèlent une finalité logique (dont nous verrons la définition plus loin), engendrant des pratiques de la communication ou alors, ils signifient des finalités possibles.
Ce phénomène d’assemblage d’éléments provenant de « l’invisible », est rendu intelligible sous différentes formes expressives du visible, c’est-à-dire ce qui est « lisible » et interprétable – ce qui retrouve de correspondances et des vraisemblances.
A ce niveau nous pourrions affirmer que ce qui est interprétable, déclenche une mémoire active et ce qui est défini comme tel, suscite la mémoire affective. La défiguration de l’image comme celle du discours, permet de revenir de manière déformée sur les trajectoires qu’empruntèrent ces éléments primaires afin de constituer des « figures » lisibles, configurant ainsi plusieurs réseaux de mémoires, résultats de multiples expérimentations.
Ces mémoires complémentaires entre elles, se concentrent dans un « noyau » de l’expression qui est « l’Âme ». Elles donnent naissance à la « conscience » et son contraire dans une dimension supposée existante, le « sous-conscient ». Nous pouvons ainsi affirmer qu’en partant de nos gestes qui exécutent toutes sortes de notations, nous réagissons d’après des mémoires dont la constitution neurologique est semblable mais elles sont formées dans leurs singularités de fonctionnement suivant des quantifications biochimiques et neurologiques différentes d’un être à l’autre. Alors notre perception devient « commune » dans le sens d’une formation uniformisée mais la créativité est différente selon les capacités d’expérimentation de chacun dans un environnement spécifique.
Pour « éclairer » le lien avec le social pluri-culturel que nous aborderons brièvement plus loin, nous dirions que la diversité et les aspects conflictuels de certaines attitudes dites créatives, ne dépendent pas d’une incapacité mais d’un phénomène de résistance par négation ou réfutation qui relèvent du domaine de la formation culturelle et d’une mémoire affective puisque la mémoire active se retrouve réduite essentiellement au corps, à « soi » et à ses propres limites vitales.
Par conséquent l’Âme est celle qui régit aussi bien le « soma » de notre « Etre » que l’essence même de l’objet qui le représente et le justifie du point de vue de la « valeur » affective ; c’est-à-dire qu’elle suscite des représentations dans l’imaginaire de celui qui décide de réaliser.
Micromégas :
Puisque vous savez si bien ce qui est hors de vous, sans doute vous savez encore mieux ce qui est dedans. Dites-moi ce que c’est que votre âme, et comment vous formez vos idées.
Le vieux péripatéticien :
L’âme est une entéléchie et une raison par qui elle a la puissance d’être ce qu’elle est.
Le cartésien :
L’âme est un esprit pur, qui a reçu dans le ventre de sa mère toutes les idées métaphysiques, et qui, en sortant de là, est obligée d’aller à l’école, et d’apprendre tout de nouveau ce qu’elle a si bien su et qu’elle ne saura plus.
Voltaire, Micromégas
La nature végétale et minérale, peut-elle se prévaloir d’une « âme » de façon singulière ? Ou alors elle suscite un ensemble de visions qui produisent par entendement (humain et animal) ce qui apparaît dans son ensemble sensible voir vital aux êtres vivants – ceux qui sont dans un « mouvement » (voire action) d’une constante visibilité. Puisqu’un trait est un ensemble visible, l’absence du trait est une dimension invisible mais imaginable, calculable et supposée existante comme notation d’une vérité codifiée a priori - de l’écriture « d’ailleurs ». Le « silence » apparent de la nature, devient ainsi une dimension géométrisant l’âme selon ce qui est visible, mais au-delà de ce qui est « présent » il y a ce qui est perçu par les sens, à travers le mouvement.
Nous évoluons ainsi dans ce qui est visible selon des paramètres d’un maillon d’espaces déterminés comme invisibles lorsqu’ils relient deux dimensions et nous réagissons selon des stimuli chargés de ressenti. Notre écriture est dans ce sens, la trajectoire révélée par un ensemble de signes socialisants, appartenant à ce qui est pensable et réductible lors de la notation. La négation de la notation, est la révélation de ce qui reste hors de l’intelligible au premier degré : la codification. Cela n’est pas une vision métaphysique mais le raisonnement qui conduit vers l’expérimentation dans le « contenant » de l’écriture. En physique cela représenterait l’analyse d’un phénomène de l’impossible, en mathématique l’analyse de l’absurde et vraisemblablement inutile, alors qu’en neurosciences, cela mènerait à découvrir le fonctionnement précis de la trajectoire même de l’expression du cerveau.
Dans tous ces cas nous parlons d’expression, de discours et d’imaginaire se rapportant à soi. Ainsi nous restons sur un terrain de recherche cognitive, où la philosophie alliée à d’autres domaines, révèle parallèlement, cet aspect a posteriori au fonctionnement biologique de l’apprentissage – en deux fois selon Voltaire – de ce qui est expressif.
1 – Aspects critiques de l’entendement du sensible dans la société pluri-culturelle
L’évolution historique des modes d’expression, où se rencontrent tous les paramètres et les phases de l’écriture qui transitent entre l’entendement et le sensible à travers des notations, mais aussi par la lecture, mène à des interprétations suivies d’applications dites artistiques ou artisanales dans les sociétés en pleine évolution.
Cette évolution s’affirme aujourd’hui comme une convergence des sens dont les phénomènes de résistance naissent des tendances à caractère manifeste, se limitant souvent aux codifications primaires, affirmation des croyances représentatives des dimensions supposées vraies se transformant en notations de toutes sortes, attribuées à l’Histoire de l’Ecriture.
L’imaginaire, matérialise dans l’abstraction de toute notion de distance ce qui peut être réalisé sur un support dans l’immédiateté du temps et apparaît constamment productive, c’est-à-dire, elle évolue simultanément à l’acte de la notation mais avec une périodicité différente du temps. « Mon image de lui [Pierre étant X], c’est une certaine manière de ne pas le toucher, de ne pas le voir, une façon qu’il a de ne pas être à telle distance, dans telle position. La croyance dans l’image, pose l’intuition mais ne pose pas « X » [Pierre]. La caractéristiques de « X » n’est pas d’être non-intuitif, comme on serait tenté de croire, mais d’être « intuitif-absent », donné absent à l’intuition. En ce sens, on peut dire que l’image enveloppe un certain néant. Son objet n’est pas un simple portrait, il s’affirme : mais en s’affirmant, il se détruit. » [Sartre – L’Imaginaire ]
Ce différentiel entre la durée de l’application (de la notation) codifiée et celui de l’évolution de l’imaginaire, donne lieu à des rapports relatifs quant à la réalisation finale, puisque la distance avec Pierre reste relative en ce qui concerne les mouvements de celui-ci, dont la mémoire fait état à un instant donné de sa présence ou de son absence dans un lieu donné. Ainsi, entre l’Imaginaire et sa représentation notifiée il y a décalage des périodes temps. De la même manière, entre la « vision » céleste et son application sur un support il y a « déconstruction » et codification a posteriori, modifiant forcement dans un sens ou dans un autre le contenu symbolique de la vision. Cet aspect se retrouve d’autant plus amplifié, lorsqu’il s’agit d’iconographie suivant un texte ancien.
Par conséquent, dans une société occidentale où la mixité des cultures et des pratiques créatives sont confrontées à des pouvoirs qui uniformisent les moyens d’expressions, on assiste à des mouvements contraires qui à la fois repoussent la dite évolution en retrouvant une identité historique déformée par les mouvements des populations et reconstruisent des représentations anciennes dans un contexte dit moderne, c’est-à-dire qui permet un compromis entre la tradition – souvent imaginaire ou rapportée aux outils et des œuvres figurées répliquées – et les modes de pensées traduisant des interprétations postérieures aux lectures des textes anciens.
Ainsi il n’est pas rare de rencontrer un masque africain présenté par un « artisan » de seconde génération qui pratique un art ancestral suivant ce qu’il a perçu dans « l’histoire » de son pays d’origine sans en avoir l’expérience du vécu ou alors un asiatique formé dans une école occidentale qui s’inspirera de sa culture en l’appliquant dans la « fabrication » d’une œuvre et en affirmant son origine et son appartenance à son « histoire ». Souvent cette spéculation dans la manière artisanale de la production d’une œuvre ayant déjà un sens symbolique (reliant le « passé » comme valeur du présent), fera appel à l’historien pour en faire découvrir les qualités et les rendre actuelles.
L’Art n’est plus une pratique de la communication immédiate mais de la représentation d’un entendement sensible ; ce qui fait apparaître une scission entre l’Art et l’Avant-garde artistique. Dans un autre sens, faisons une petite parenthèse pour prendre un exemple significatif, celui de la Chapelle Sixtine. Il y a un lieu hautement religieux, un Pape et un peintre qui doit imaginer un espace consacré à Dieu. Alors il peint la nudité des Anges pour leur beauté et leur pureté, mais il les « habilles » pour des raisons d’étique ; imaginons qu’à la place des Anges, il aurait peint des Chimères elles aussi « antiques ». La prière lue dans les textes anciens, n’aurait plus le même sens de par la « présence » du contraire de l’aspiration des croyants. Pourtant, une prière est destinée à combattre le mal, le mal en soi, demander « pardon » à Dieu. Par conséquent, nous prions ce que nous voulons « voir » dans un imaginaire faisant abstraction du contraire. Nous n’aspirons pas vers deux choses à la fois mais nous effectuons une classification en plans séparés par un ordre sensitif.
Notre Âme ne pourrait pas faire ce raisonnement car l’Âme, ne raisonne pas. Elle ressent le résultat de ce qui est instinctif. Dans les bas-reliefs l’histoire biblique est celle du Christ, du Sacrifice, et non pas celle de l’Enfer ou alors, celui-ci n’est qu’une menace, dont les prières comme les « objets » expriment non pas la peur, mais la certitude d’un entendement de la part de « l’invisible » envers la miséricorde. Nous prions en ayant instinctivement l’image de l’histoire à travers les œuvres dans le Temps.
De par cela, l’œuvre dite artistique sera le résultat de l’entendement traduit par le « sensible » à travers une lecture de l’histoire ; ce qui fait que l’art en tant que tel, appartient aussi à une relecture faite par un historien et par ce biais se développe la tendance et la nécessité de trouver des liens avec des époques de plus en plus éloignées qui justifient ou non une évolution.
« Une histoire de l’art, transforme ainsi une conception de l’art, élaborée à partir des œuvres en élément d’une explication historique indépendante des œuvres mais que les œuvres reflètent. L’historisation de l’art est devenue de cette façon le modèle général de l’étude de l’art. [Hans Belting, L’Histoire de l’art est-elle finie ?]
J’ajouterais à cela, qu’aujourd’hui les analyses historiques remplacent ou se mélangent à celles de la philosophie et cela transforme souvent l’œuvre dans une sorte de compromis entre la justification d’une pseudo continuité de l’histoire de l’art et l’analyse philosophique des concepts appliqués dans le domaine de l’esthétique. A ce niveau il y a non-sens, puisque les œuvres d’Art n’appartiennent pas à l’histoire dans le sens de la modernité des modes du pensé, ni à une esthétique répertoriée dans l’histoire, mais elles sont authentiques et intemporelles de par les qualités qu’elles expriment. Un vase gallo-romain est aussi moderne qu’un vase contemporain lorsqu’on le regarde, et cela sans parler d’un verre de la période préhistorique exposée au musée de Saint-Germain en Laye et dont les formes irrégulières peuvent concurrencer une œuvre du XXème siècle. En cette raison, il ne faudra pas confondre l’analyse historique avec l’analyse esthétique – au sens grec du terme aisthêtikos (qui a la faculté de sentir); les fondements de l’esthétique, résident essentiellement dans l’œuvre en tant qu’œuvre d’un humanisme moderne à toute époque, dans la continuité de l’évolution de l’artiste dans une période sociale et l’entendement d’un apprentissage immédiat.
Cet éloignement, nécessaire aux références d’une conscience rendue par des moyens économiques, de plus en plus transversale dans le sens de l’entendement de l’histoire, s’explique également par le fait que plus nous « reculons » plus nous avons la sensation d’avoir une « liberté » de l’entendement, puisque nous nous retrouvons à des époques qui interrogent le contexte historique, le plaçant ainsi dans le présent des hommes et des Dieux, faisant état de vérités chargées de symboles. L’Histoire devient ainsi à travers les époques un vaste terrain d’enseignement et d’expériences réalisées, révélant des sens analysables et surtout interprétables; un réservoir inépuisable de notre mémoire affective éduquée par la connaissance des faits avec tout ce que cela comporte comme risques dans le fait de « dévaloriser » la création non référencée au bénéfice d’un concept de pseudo continuité historique dans les pratiques artistiques. Cela produirait également une confusion entre l’Art et la « nouvelle » étymologie au XIVème siècle, l’Artisanat.
Face à cela, nous disions qu’il se développe un phénomène de résistance, mais paradoxalement il ne s’aligne pas sur les études approfondies mais essentiellement sur le coté symbolique, en laissant libre choix à des genres fétichistes dont l’unique argument est l’usage des nouvelles technologies comme affirmation de la modernité. Autrement dit, la dénomination des métiers des arts engendre la pratique artisanale de ce qui est induit à l’origine même de l’être : la capacité de créer.
Prévenons le lecteur ! Cela n’est pas une critique supplémentaire concernant l’originalité esthétique des œuvres selon une classification, mais uniquement l’analyse des pratiques artistiques qui sont révélatrices d’une dichotomie de ce qui est fondamentalement artistique et ce qui appartient à une spéculation médiatique justifiée socialement par le compromis entre la « valeur historique » de l’œuvre et sa contemporanéité.
A titre d’exemple, lorsque nous écoutons des musiques tonales avec quelques effets d’échos, de spatialisation des sons, de modélisation des voix, etc..(voire les musiques dites actuelles incluant le rap, la techno, la heavy-métal, la métal…etc), ce qu’il apparaît comme moderne dans le meilleur des cas n’est pas la notation mais l’effet programmé appliqué selon un langage traditionnel. En cette raison, le « programme » programmé par des techniciens informaticiens musiciens, devient le support d’une imagination pseudo contemporaine dont la connaissance se limite à un ensemble de commandes donnant lieu à des collages et des corrections en temps réel selon des normes à la place des styles.
De la même manière lorsqu’un peintre reproduit un paysage mais prétend à la suggestion en appliquant des effets de couteau dénaturant le figuratif, ce n’est pas le contenu de sa pensée qui est moderne mais l’effet. Il y a peu de différence entre Cézanne et Pollock dans la volonté d’exprimer l’originalité de visions, mais il y a une énorme différence entre Cézanne et celui qui n’arrive pas à dégager son style et aboutir à un concept et se limite à la réplication. Lorsqu’un écrivain cherche le sensationnel en usant des « belles-lettres » pour s’inscrire dans une pseudo mémoire historique, il n’est pas contemporain d’un présent et sa conscience devient transversale ; il devient « contemporain » d’un autre siècle – celui de sa propre mémoire affective où « X » s’identifie à ce qui n’existe plus, mais reste parfaitement intelligible à toute forme de lecture. Il devient un « artisan » « populaire ». Lorsque Duchamp propose en 1914 un « repose bouteille » cela n’est pas une création mais la dérision appliquée à l’idéologie de l’art, à sa révolution sociale qui place un objet dans un contexte qui ne lui appartient pas, tel un défi. A partir de cela, nous pouvons édifier un infini de thèses concernant le « repose bouteille » et cela sans y faire appel à l’historien de l’art, comme par exemple : l’objet fut fabriquer à la chaîne, donc l’ouvrage ouvrier devient art populaire ; mais encore, cet objet est l’induction de l’usuel en tant qu’art dans un environnement donné, et aussi, le manifeste de Duchamp face à l’entendement de la notion de valeur.. etc..
Mais l’Art n’est pas « un » défi, n’est pas « un » effet ou « un » manifeste social puisqu’il est tout cela à la foi à travers les paramètres de l’Ecriture, qui a posteriori signifie les capacités créatives de l’homme. Il révèle par différents moyens ce qui édifie une dimension supposée existante et sensible, qui n’est pas destiné à la « masse » mais qui peut être issu de la « masse », de l’individu qui vit son expérience à l’intérieur, de manière singulière et sélective. Dans ce sens, l’idéologie surmontant la philosophie pour des raisons sociales, dénature le sens, en admettant l’art comme un droit d’accès de la « masse », alors que l’art est ou non une capacité expressive induite à l’individu. Nous argumenterons ainsi plus loin son apprentissage qui passe par l’artisanat et de par cela l’Art est essentiellement une pratique au-delà de l’artisanat.
L’Art est un « métier » selon sa première étymologie, donc une introspection en soi, un discours qui reconfigure ce qui est préétabli comme existant en tant que potentiel de l’Homme ; sa pratique, comme celle de l’Ecriture par la notation, révèle le sens de l’artisanat.
Il implique l’Ame à travers son « éducation » et son expression qui se traduit par les différents langages a posteriori de l’entendement de ce qui est sensible. Il est inné, antérieure à toute naissance puisqu’il se compose en même temps que l’Etre, tel son « discours » ; un être qui n’arrête jamais d’être en pleine mutation de par sa « déconstruction » et sa reconfiguration, telles que les expériences successives lui imposent à travers son évolution dans des « chaînes » d’espaces appartenant à des dimensions visibles ou supposées existantes.
L’Art est une vraisemblance de ce qui devient invraisemblable a posteriori au phénomène d’induction envers la société. La pratique de l’art à travers ses techniques spécifiques, produit la confusion entre réplication et originalité.
En cette raison, l’Art peut être à la fois l’ordre d’un désordre convergeant vers une « erreur » ordonnée par des trajectoires chaotiques et par conséquent, invraisemblable et rejeté par l’entendement du « beau » et du « laid », telle une certaine « folie » relative de la conscience transversale, comme nous la rencontrons chez Artaud et plus anciennement chez Don Quijote.
Ces deux notions provenant d’une simplification de la symbolique des masques dans le théâtre de la Grèce antique, soulève la problématique de l’entendement et des qualités accordées aux œuvres dites contemporaines au XXe s. A cette vision binaire échappe l’esthétique des œuvres antérieures, puisqu’elles revêtent socialement une valeur historique d’un pseudo témoignage justifiant l’irréductible pensée de « révolution » esthétique, autrement dit d’un post –modernisme lattant.
En cette raison, toute œuvre qui échappe à l’analyse sensitive et subjective du beau ou du laid, n’a qu’une valeur relative et sort de tout « usage », celui de la croyance comme celui de la pratique. En poésie comme en littérature il est plus explicite de dire :
Des soleils brillent sur le miroir du Temps – que de déclamer : ReTemps du Roi mimant brillants Soleils…
….de mon humble point de vue de mortel imparfait et fini, que puis-je juger de l’ensemble de la création ? Comment saurais-je si ce qui est mal ici et maintenant représente l’absolu du Mal ? Non : il faut prendre du recul par rapport à l’œuvre d’art, embrasser les choses d’un point de vue aussi global que possible, sans quoi mon regard de myope me condamne à ne jamais contempler que les défauts microscopiques de la toile, les points de tapisserie.
Voltaire, Pangloss
2 - L’Image du « produit » de la connaissance
Peut-on affirmer que nous vivons aujourd’hui l’aboutissement d’une longue période de confrontation et de complémentarité entre les arts, les cultures et la société annonçant un changement fondamental des comportements et des actes liés à la démocratisation des produits de la technologie ? En quelle mesure peut-on analyser l’homogénéité des « discours » et rendre pertinent et prévisible le fonctionnement des comportements et des pratiques « modernes » de par l’originalité de la notation, sans annoncer la « mort » de l’esthétique en tant que moyen d’analyse des qualités afférentes aux comportements sensibles ?
Certes, l’Histoire n’est pas réversible puisqu’elle se fonde sur une succession de générations mais cette « révolution » par paliers de la trajectoire historique au XXe siècle, révèle à travers le développement de la communication audiovisuelle affirmée en ce début du XXIème siècle, l’approche différente des valeurs occidentales selon des rapports entre l’entendement et la conscience dans laquelle sont représentés les savoirs appartenant à des cultures différentes. Le fait de voir, d’aller directement au résultat d’une codification symbolisant au premier degré la nature des choses, remplace progressivement l’expérience du vécu, c’est-à-dire, ce qui est « naturellement » nécessaire afin de produire des périodes expérimentales qui édifient la mémoire affective. Paradoxalement, cela mène l’Occident à travers son évolution, à une communication issue de plus en plus du phénomène de réplication de l’apparence en tant que vérité matérialisée à travers des dimensions finies des modes du penser. Ainsi, le paraître devient progressivement contenu d’une communication d’apparence et souvent épisodique ; un résumé d’un espace suggérer afin de déterminer et de matérialiser une dimension invisible. Ainsi, les « traces » de la notation sont remplacées par des « corps » codifiés et singuliers. Leur socialisation est de plus en plus variable selon des critères matériels inversant le processus entre l’entendement et le sensible. Cela implique une partie de la proposition d’une époque post-moderne des modes du penser et repositionne les paramètres de l’écriture selon l’usage des pouvoirs. Egalement, cela correspond à un « retour » des pratiques dogmatiques des religions ; pratiques fondées sur différents aspects du « paraître » et remplaçant progressivement l’objet de la croyance par la nécessité d’extériorisation. Dans ce contexte présent, le discours dans l’Art ne mène plus à des concepts déterministes envers la société, mais revendique un droit de réserves à travers la correspondance entre le genre et sa destination dans les couches sociales. La philosophie devient progressivement, comme nous l’avons affirmé, un degré reculé de l’idéologie qui engendra la succession de pouvoirs qui, formant l’histoire, deviennent les « connaissances » d’aujourd’hui, où l’Art n’est plus une expression de la « passion » mais une pratique consciente de l’événementiel.
Dieu est Mort, affirmait le grand Nietzsche, L’Art est Mort, disait Fischer en 1979 ; Schönberg est Mort ! affirmait Boulez, Je me suis trompé disait Schaeffer à la fin de sa vie, etc..
Mort ! Erreur !
Ce mot émouvant qui représente les « Murs » de l’Histoire, séparant le conscient d’un organisme constitué par un ensemble d’éléments vivants, de la défiguration de ces mêmes éléments dans un désordre inconscient, suggère une recomposition, une reconstruction d’une chose dans le domaine des croyances et de l’imaginaire.
L’homme est vivant, donc rassurons-nous, l’Art est vivant, Schönberg est présent par son œuvre, Dieu nous regarde du dedans puisque nous-mêmes nous le regardons, et la musique dites concrètes nous permis de reconsidérer les matériaux résonants comme possibles instruments avec des timbres nouveaux et surtout de notations originales.
D’autre part, le fait de retrouver cet imaginaire uniformisé sous diverses formes de symbolisation et de croyances faussement métaphysiques (etc.), dénature l’expérience du passé historique de l’occident, puisque plusieurs formes d’évolution sociale, plusieurs types d’expériences du vécu et plusieurs cultures se développent dans un même présent, usant de codifications appartenant à d’époques différentes, déjà assimilées par les civilisations Occidentales. Tout cela donne lieu à des mutations et l’apparition de paramètres nouveaux de l’entendement, suscitant et créant souvent des tensions et des crises qu’engendrent à leur tour des phénomènes de réserve et des représentations de résistance.
Dans ce contexte, les « Images » constituent des catalyseurs entre invisible et visible mais aussi des représentations d’un environnement immédiat, uniformisé par la concordance avec les objets existants. Elles coordonnent le sens, même associées aux sons comme c’est le cas en musique. Elles déterminent une fausse « exactitudes » de l’imaginaire suscité par la lecture d’un texte.
Toutefois, lorsque l’image se dissocie de l’objet, laissant place à d’autres espaces de l’imaginaire, elle devient paradoxalement complémentaire au processus imaginatif ; elle devient productive.
Ainsi, la référence historique déterminée par la valeur, n’a plus la qualité d’être, puisqu’elle est du domaine de l’esthétique en continuelle transformation. Ce qui subsiste caractérisé par l’absolue, est l’existence à travers les capacités sensitives induites à la constitution biologique de l’homme ; ces capacités produisent l’expression du sensible en tant qu’art et passion. Ces mêmes capacités induites à des situations diverses, font que l’art devient parfois spéculatif des « réalités » perçues et non plus le fruit d’une « passion », autrement dit selon l’étymologie du mot, l’expression de l’essentiel de l’existence des choses en soi. Il se produit ainsi cette dichotomie entre le visible et l’invisible, puisque ce dernier aspect ne représente que l’aspect inductif, celui qui est forcement intelligible et communicatif, ce qui « choque » lors de la perception physique et qui ne demande pas de « dé-codification », puisque sa finalité est son corps visible. Je ressens une émotion à travers une image qui suscite l’invisible, c’est à dire qui me permet de « déconstruire » et de reconfigurer à travers mes mémoires un imaginaire subjectif.
Dans un ouvrage illustré, imaginons Spinoza dire, Dieu vous regarde ! il est là ! en vous montrant un amas de livres que vous n’avez pas besoin de lire puisque Dieu c’est l’amas. Mais si vous commencez de lire vous êtes « en-dedans » vous déconstruisez l’image de Dieu et vous allez a l’encontre de Spinoza qui redevient fondamental pour la pensée et l’esprit. Vous passez du « figuratif » induisant l’image en tant que finalité présentée de manière topographique, à l’étude des « pierres qui peuvent ou non, édifier le Temple ».
Dieu comme « source » de l’Art, n’est pas le Temple, c’est le résultat d’une lente et longue édification singulière de la prise de conscience par « soi » de la passion.
Peut-être dans ce sens nous pourrions associé l’imaginaire comme une des formes de folie et dire en résumant vite la célèbre éloquence d’Erasme : la « folie » devient écrasante lorsqu’on prend conscience d’elle. Elle devient source et fondement d’une passion de soi envers et à travers autre chose (selon la définition de « la chose » chez Kant), matérialisé par un extérieur à « Soi ».
Elle engendre de par cela, nos comportements dans l’Art et l’expression du sensible. Elle est naturellement « binaire » puisqu’elle donne lieu à une multitude de formes de l’écriture et à des multiples formes de lecture et d’interprétations.
Plus fondamental encore, puisque cette « passion » produit dans le sous-conscient des rapports communicatifs entre « l’Etre » et « Soi » ; ces rapports suscitent des phénomènes biologiques et biophysiques représentatifs d’un autre aspect de la « folie » qui singularise l’Etre à travers une classification à sens unique des valeurs dans la mémoire. De par cela, tout converge vers cette représentation unique, vers ce qui est supérieur à « Soi » devenu « instrument » de la « passion ».
Ainsi les domaines les plus touchés sont ceux qui concernent les comportements et les applications, tel l’usage des langages en rapport avec l’écriture, elle-même en relation avec les modes de lecture, les arts en fonction des modes de l’entendement et des concepts, les pratiques culturelles qui signifient dans l’avenir l’orientation et l’évolution des civilisations. Dans ce sens, la notion esthétique du post-modernisme s’accommode difficilement avec les thèses occidentales signifiant le progrès et surtout l’évolution historique selon les principes d’un flux continu du développement.
Ajoutons à cela ce qui modifie fondamentalement les attitudes c’est-à-dire les paramètres économiques et de gestions. Economie et gestion, ont instauré progressivement leurs propres codes de déontologie, de langage et de pouvoir à travers une vraisemblance de l’écriture qui passe par la dé-codification de nos comportements, ayant comme visée ce qui est nécessaire, voire utile, instinctif et automatique. Mais les deux domaines qui font parties de l’apprentissage, sont devenus des fondements à nos cultures occidentales et surtout des modes d’expressions idéologiques, s’impliquant dans l’expression sous la formes de moyens existentiels.
En développant leurs propres typologies de « tension » et de « crise » elles influent aujourd’hui à travers les médias, dans le processus d’uniformisation des comportements et des fonctions sensibles à l’homme. Cette « fatalité » combattue par la pratique artistique à été longtemps et constitue toujours aujourd’hui, une source de l’art manifeste, des positions des avant-gardes et du développement progressif d’une esthétique nouvelle. Un des exemples conflictuels où l’art devient l’idéologie des institutions qui l’asservissent, peut être celui de la notion de « propagande », qu’utilisent encore aussi bien des Etats totalitaires que des Etats fraîchement libérés mais qui ont besoin de reconsidérer leur culture et surtouts de recomposer leurs identités artistiques en s’opposant à cette tendance de modèle unique du « bien vivre », qu’imposent l’Economie et la Gestion. Dans ce sens l’art le plus touché, est celui qui se trouve confrontés à la vie sociale quotidienne, c’est-à-dire l’architecture.
Mais ne nous égarons pas dans une analyse sociologique et fatalement économique.
Citons seulement qu’à plusieurs reprises, l’influence incessante des institutions dans les Arts, aboutit souvent à des propositions comme la transformation de l’objet utilitaire au-delà de sa fonction, comme œuvre ouvrière, résultat d’une dérision adoptée à une certaine époque en guise de manifeste, par les Dadaïstes. De la même manière dans les arts plastiques et photographiques, l’œuvre du « laid » de la « dégradation » de soi, de la mort et de la défiguration de l’image de soi ; et dans le domaine de la composition musicale, des œuvres d’après la seconde guerre mondiale, apportaient la vision dramatique, cruelle de réalisme (figuratives) kafkaïenne, telles l’Intoleranza de L. Nono ou Hiroshima de Penderecki.
Depuis les fresques dédiées à la gloire des héros, et jusqu’aux fresques dédiées à la souffrance des hommes, l’Art a toujours constitué le reflet des réactions sociales mais surtout le reflet de l’expression visionnaire du ressenti utilisant les langages constitutifs de l’Etre dans sa solitude et envers les cultures identitaires, problématique posée également par K. Jaspers.
Les quelques exemples que nous avons évoqué, font appel à des techniques d’écriture différentes mais font appel à des notions communes telles le discours et la communication, à travers l’expression contenant entre autres, la codification de l’Image.
Par conséquent pour rendre « claire » l’analyse que je vous propose et pour rester dans le domaine des arts, je vais commencer le discours par l’explication étymologique des mots clés, qui ont été souvent et à tort les spectres du postmodernisme, puisqu’un des pouvoirs de l’image est de d’opposer le « produit » final à l’imaginaire, en occultant la « distinction » des choses afin de la rendre « invisible » à travers l’évidence du visible et de l’intelligible lié à la matérialité des objets préexistants.
Cela s’avère correspondre à la constitution biologique de l’appareil sensitif humain et à sa capacité d’expérimenter, puisque la perception visuelle permet malgré sa diversité, une matérialisation immédiate des correspondances entre l’objet et sa fonction, alors que le touché et l’ouï, suscitent l’imaginaire afin d’identifier la source et le sens. De part cela, l’image communique dans l’immédiat comme le bruit affirme la présence physique en identifiant l’action. A cette différence majeure : l’image présente »visiblement » l’objet alors que le bruit place l’objet dans « l’invisible » intuitif.
Par ailleurs il me paraît également important de porter une attention particulière sur le sens qu’engendre l’origine des mots à différentes époques de l’Histoire occidentale afin de retenir les terminologies qui correspondent à la période contemporaine que nous vivons.
- Le premier mot clé est celui du « discours ». Descourir, du XIIIème et XIVème siècles, est, selon le dictionnaire étymologique (sous la direction d’Alain Rey), l’adaptation du mot courir, de l’ancien français du XIIème s., discorre, signifiant parcourir, marcher ça et là. Le mot en tant que tel, n’est pas lié au langage mais plutôt à sa provenance latine de discurerre, formé de dis (particule initiale exprimant la séparation, direction en sens opposés) et de currere (du XIème s. signifiant se mouvoir vite), puis courir, exprimant se répandre en différents cotés, et ce n’est qu’à la basse époque qu’il prit le sens de « parler ».
Au XVIème s., le mot discours, naquit par l’influence du mot cours, et du latin discursus, montrant l’action de parcourir en tous sens, devenu à la fin de la latinité selon le Codex Theodosianus, la valeur de conversation, entretien. Au XVIIème siècle ce mot prend le sens d’expression verbale de la pensée et on commence l’analyse des parties du discours (1637 – René Descartes, Discours de la Méthode).
- Le second mot clé qui nous intéresse en rapport avec le discours est le verbe communiquer. Provenant du latin communicare (partager, communier) puis du cum, com, et de municus dérivé supposé de munus (fonction, charge), il fut repris par Descartes en 1647 sous une traduction désignant en physique, la chaleur, le mouvement. Quant à la terminologie du mot communication, il passa du sens de mise en commun, échange de propos, au XIIIème siècle, à son expression moderne progressant du sens officiel (juridique), voire théologique (communication avec Dieu), scientifique (1753, communication de mouvement) à la définition anglicisée utilisée par les médias et la publicité.
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Le troisième mot est celui de l’expression. Partant du latin au sens figuré, celui-ci devient expression de la pensée et description vivante du supin de exprimere. Au XVIIe.s., le terme s’employait en mathématique en exprimant une valeur, puis un fait exprimant un contenu psychologique de l’art, ce par quoi quelqu’un ou quelque chose se manifeste (1694 par Bossuet). Retenons toutefois la définition du XIVe.s., où l’expression désigne l’action et vers 1656 la manière de parler d’un tour de la langue écrite ou orale.
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Le dernier « mot-clef » est celui de « l’Image ». Au XIIème siècle, le mot garde sa signification latine de « statue » puis, celui d’une vision au cours d’un rêve, mais aussi ymage avec un « y » il prend par extension du sens « portrait », la représentation graphique d’un objet ou d’une personne.
Au XIIIème siècle B. Latini donne la définition d’un élément du vocabulaire rhétorique; le mot se réfère à l’évocation dans le discours d’une réalité différente de celle à laquelle renvoie le sens propre du texte. Cet aspect rejoint le sens du mot élocution mais après Descartes au XVIIè siècle, il signifie en psychologie, la reproduction mentale d’une perception ou d’une impression, en l’absence de l’objet qui lui avait donné naissance. Ainsi il se retrouve lié au sens du mot imagination et de par son lien avec « élocution », il sous-entend des aspects figurés du comportement. Si jusqu’au XIXème siècle, le mot image à travers le sens de représentation mentale, ne s’applique qu’aux images de la vue, à partir des années 1880 et jusqu’au XXème siècle, il s’étend aux autres impressions sensorielles : l’image sonore, auditive, puis l’image acoustique, graphique d’un signe telle qu’elle se retrouve chez Saussure.
Ainsi, la difficulté de comprendre le sens de l’expression orale, gestuelle, simulée ou encore matérialisée au-delà de la communication, suscite des interrogations au sujet des modes de perception et selon les cas, de lecture. Ces deux modes se déterminent chacun de manière différente dans le temps: la perception est immédiate et la lecture se place dans la durée. En cette raison, l’image perçue nécessite ou non un discours dans le sens qu’impose la volonté d’ordonner les éléments constitutifs de l’image.
Ce discours n’est pas forcément déclamé, puisqu’il peut se déterminer « tacitement » selon que l’image est une réplication correspondant à ce qui est du domaine d’un ordre possible et préétabli dans la conscience, donc d’un ordre « probable » fondé sur des faits « possibles ». Dans le cas de l’artisan (terme postérieur au mot art) qui s’exprime afin de communiquer, son expression engendre la sensation ou la communication, mais les deux s’inscrivent dans l’imaginaire de celui qui est à l’origine du concept et qui a matérialisé en premier le « produit ». Cela veut dire qu’elles ne suivent pas le même processus mais que lorsqu’elles sont perçues, elles font partie d’un seul contenant.
Ce que l’artisan propose, n’est pas toujours de traduire son imaginaire en matérialisant son concept. Il se contente de modifier et de répliquer en partant d’un objet déterminé. Cela rappelle l’exemple de Heidegger lorsqu’il transforme la craie en poussière et obtient toujours de la craie en lui modifiant sa fonctionnalité.
Il change le sens mais ne modifie par l’origine. Il modifie la fonction afin de perdre l’identité première de l’objet, ce qui lui donne le pouvoir de formuler avec le même matériau un autre objet pour d’autres fonctions dans le même espace-temps. (Martin Heidegger- Qu’est-ce qu’une chose, V, L’espace et le temps en tant que détermination de la chose). Ayant modifié le « corps » de l’objet et non pas la matière, celui-ci détermine par d’autres paramètres le même espace, ce qui aboutit à la confrontation entre la mémoire et les nouvelles qualités de la chose dans son état au présent et dans un espace qui s’organise à nouveaux afin de contenir la forme.
En cette raison l’expression et la communication doivent retrouver une homogénéité puis prendre prépondérance une sur l’autre selon qu’il s’agit d’Art ou d’information.
Dans les musiques actuelles cet équilibre est souvent rompu et la communication prend l’ascendant sur l’expression car elle ramène systématiquement à la matérialité et aux « corps » des signes, sujet développé magistralement par le pr. Eugenio Fernandez, lorsqu’il aborde le corps comme prémisse et finalité de l’édification sémiologique, tel que Derrida l’explique dans Glas, en écrivant au sujet du culte phallique dans l’antiquité grec.
E
n contrepartie à cela, « l’angoisse » de réaliser le pas vers « l’expression sans matérialisation immédiate» se transforme souvent en psychose et se retrouve dans l’écriture en tant que trajectoire de la « folie » où tout élément est abstrait car il signifie l’invisible, l’impalpable, le désir du troubadour et le courage « Quichotesque » du héros qui est continuellement dans « l’erreur » mais dans « son »
mouvement engendrant son action « aveugle », puisqu’il ne trouve et ne cherche jamais la « clé » qui lui permettra de faire correspondre le réel avec l’irréel, l’objet de sa communication avec le sens de l’expression. Ce personnage devient aimé, poète dans l’âme tel Mercutio, et meurt sans que personne ne comprenne le pourquoi de son « sacrifice ».
Autrement dit, ce type de personnage n’aboutira pas à homogénéiser matériellement son discours afin de le cristalliser en image ordonnée pour une lecture logique de la part de la société. En quelques sortes, l’artisan empreint de l’histoire qu’il assimila par expérience ou par formation, s’éloignera du modèle pour proposer de manière singulière les dérives qui l’emmènent à la pratique de l’expression. En composition musicale, cela correspond à la nécessité ressentie à la fin du XIXème siècle par des compositeurs comme Debussy et Schoenberg, afin de s’éloigner (non pas de rompre) de l’apparence, en proposant une sorte de « renaissance » où l’expression n’est pas un processus logique communicant, mais une manifestation essentielle du ressenti en rapport avec la passion (lat.: passio, passionis) dans sa signification déterminée au IVème siècle par Charisus à Varron au sens de douleur morale.
Ainsi, au traitement musical de Debussy qui rend la linéarité de la notation comme contenant des rapports modaux harmoniques ouvrant la voie au graphisme prosodique du langage, Schoenberg propose, outre le Pierrot Lunaire, dans la continuité de la tradition allemande la redistribution des fonctions et des identités sonores. Toutefois, malgré des résultats sonores nouveaux, à l’avant-garde de la modernité musicale de l’époque, les deux notations restent dans la tradition qui permet même à un non-musicien de comprendre qu’il s’agit de codification sonore.
Au-delà des réalisations de Schoenberg, nous retrouvons celles de Webern. Celui-ci associe à la notion du « silence » celui de la « mémoire » en tant que catalyseur du ressenti post-perceptif, suscitant ainsi la re-écoute intérieure des « traces » que laissent les trajectoires des figures sonores. Ces transformations qu’un peintre qualifierait « à l’intérieur d’un cadre » sont significatives du processus instaurait par les artistes préoccupaient au début du XXème siècle, par les liens directs entre la liberté qu’offre l’écriture par rapport à la théorie de la notation.
Si dans la peinture un artiste comme Kandinsky fut qualifié de trop avant-gardiste par ses propres confrères, en musique les réactions furent catastrophiques puisque la vie sociale et les événements de l’époque empêchèrent une rapide orientation du sonore vers la modification permettant la suggestivité en tant que phénomène d’hypotypose libérant les paramètres du discours.
Par conséquent pour aboutir à une nouvelle écriture, il a fallu attendre les premières réalisations des avant-gardes des années 1960. Celles-ci, profitant du rapprochement des arts avec la technologie, elles fondèrent leurs réalisations sur les nouveaux codes et définitions issues de l’imagerie mathématique et physique du « monde » des sons afin d’accentuer la différence entre écriture et notation traditionnelle.
Cette écriture qui fait usage d’une multitude de type de notations appartenant à divers domaines, fait abstraction des trois grands procédés qui gouvernaient l’expression depuis l’Antiquité: l’épopée, la tragédie et le récit épique. Dans ce sens elles déterminent le graphisme comme trajectoires en apparences chaotiques, n’ayant pas de fixité dans le Temps et l’Espace et, par ce biais elles défient le logicisme de l’entendement. Elles ouvrent ainsi paradoxalement la voie du discours, selon son ancienne étymologie, laissant entrevoir une multitude de langages possibles à partir du graphisme. Dans ce sens les protagonistes de l’époque se déterminaient sciemment ou inconsciemment dans la lignée des propositions pour un langage « universel » de Fregge et de Russel.
Leur « nouvelle » musique de l’époque, déterminait de plus en plus la « révolution » de la trajectoire historique, puisqu’elle reprenait l’histoire à partir de l’antiquité, afin de dépasser le phénomène moderniste et d’entamer une nouvelle évolution historique de l’entendement sonore, de la lecture et par antagonisme de la notion de création.
La critique de ce mouvement entraîna une situation de crise à travers des phénomènes de résistance, dont nous citerons deux, puisqu’ils sont liés à la thématique que je vous propose.
- Le premier phénomène provient de la nécessité ressentie de « déconstruire » le discours puisqu’il fallait inclure, par induction, des paramètres étrangers à la notation telle qu’elle avait aboutie au début du XXème siècle. Cela signifie que ce qui apparaissait comme construction logico-historique, déterminant l’évolution de la notation du discours, devait revenir à des concepts « indéterministes » caractéristiques de l’Ecriture.
Les différentes œuvres de Varèse, Scelsi, Stockhausen, Boulez, Maderna, Nono, Pousseur, Xenakis et bien d’autres car la liste serait longue, proposent cette orientation dès les années 1950.
Il ne s’agissait plus d’une notation par réplication, constituée d’enchaînements d’entités « figuratives » fondées sur la syntaxe expérimentée depuis des siècles par l’oreille « formée » à ce type d’ordre, mais des éléments sonores redistribués dans l’espace-temps afin de susciter et de solliciter constamment les « circuits » cérébraux qui produisent l’imaginaire. La problématique qui en résulte est celle du manque total d’appel fait à l’expérience consciente ou celle de la mémoire. Il n’y a ainsi aucune matérialité visuelle du « beau » préexistant et dans ce sens on peut admettre le concept de John Cage au sujet de la création.
Selon ce raisonnement, on peut également affirmer que celui qui écrit ou compose, se place toujours dans le jeu des mouvements qui traduisent les durées et construisent un Espace –Temps où, aussi bien le compositeur que le public s’inscrivent a posteriori.
Cela implique que l’œuvre détermine progressivement cet espace qui sera quantifié à posteriori de sa perception, en sections du Temps regroupant les durées des mouvements, leurs rapports entre leurs intensités et leurs capacités de définir l’Espace dans lequel s’organisent leurs trajectoires.
Cet aspect peut être commun à toute œuvre sonore, comme à tout langage oral, puisque son contenant est le rythme. Lorsque le rythme se retrouve comme premier plan d’une distribution sonore, il assure le lien « nerveux » avec le corps et relègue même au second plan ce qui doit être intelligible de par la logique de l’expression parlée. Il devient expression à lui tout seul. Mais lorsqu’il est associé à la hauteur des sons, il sert de support à ce qui doit être entendu dans le sens symbolique.
Pour résumé ce premier point, je vous propose une première affirmation :
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la déconstruction du discours libère le développement chaotique des éléments qui constituent celui-ci. La perception s’effectue alors de manière aléatoire, c’est-à-dire individuelle et en dehors de toute volonté de cibler l’objet par la communication. Le résultat relève véritablement du domaine du sensible.
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Le contraire de cette affirmation représente l’attitude de résistance : la déconstruction étant contraire à l’apparence, donc à l’image, elle ne peut être comprise qu’en tant que première étape de la trajectoire de l’entendement lors de la socialisation.
Ce qui fait qu’aussi bien Don Quijote, que Mercutio, ou le metteur en scène chez Pirandello, ne peuvent être perçus autrement qu’en tant que des acteurs vivants périodiquement les instants sensibles de l’existence; autrement dit, devenant « visibles » qu’à travers leurs passions.
A l’audition d’une œuvre musicale, ces aspects diffèrent par un élément fondamental: le compositeur ne s’expose que rarement physiquement.
Il transmet par l’interprétation de son œuvre, le ressenti d’un désordre apparent où le discursus signifiera toujours, la représentation d’un ensemble de mouvements à la recherche de leurs objectifs.
- La crise à cette affirmation révèle un autre phénomène de résistance de par l’utilisation de l’image en tant que médiateur du mouvement. C’est le cas de la cinématographie, puis de la vidéo.
Nous arrivons ainsi au second point de cette présentation, c’est-à-dire la configuration de la mémoire vers l’artisanat technologique.
A l’opposé de la photographie, la succession d’images assimilée à la succession des mots dans une phrase produit une vraisemblance du mouvement, ce qui fait que nous arrivons à la même affirmation que lorsqu’il s’agissait de discurir.
Cette technique inventée depuis plus de 100 ans aujourd’hui, dans le domaine de la cinématographie, pose un réel problème lorsqu’il s’agit d’affirmer l’œuvre dans son originalité. De part cela on arrive à des appellations de plus en plus abstraites du point de vue de l’interprétation de ce mot qui suscita depuis le XIXème siècle des thèses éloignées de l’étymologie du mot Art, bien antérieur au mot artisan, en l’associant définitivement avec le « Beau » de Kunst, de Schelling, avec la notion de création esthétique, ce qui lui donna un sens esthétique dérivé de la séparation avec les arts libéraux du trivium et du quadrivium. Il s’agit de préciser en fonction des orientations des pratiques qui nous sont contemporaines, le retour à la définition des racines er ou ar indo-européenes, puis de sa signification arménienne, grecque, latine et provençale désignant successivement arariskein (arranger), arthron (articulation) tekné (technique) chez Aristote dans le sens de la méthode de création, ars –artis (accusatif féminin signifiant « façon d’être » et plus tard le sens d’habilité acquise par l’étude et la pratique, jusqu’à son sens maléfique donné dans la chanson de Roland en 1080 le males arz, mauvais arts de la sorcellerie.
Toutefois retenons la définition latine inspiré de la poïetike, mais traduite dans le domaine institutionnel par la désignation des disciplines enseignées dans le quadrivium: arithmétique, géométrie, histoire, musique. Il s’agit-la de techniques intellectuelles orientées vers la maîtrise du langage, des structures numériques et sonores, musicales et de celles du discours de connaissance (historia) ou de conviction dans le cas de la rhétorique qui faisait partie du trivium avec la grammaire et la dialectique.
Ce qui est en tout cas important c’est le fait de retrouver vers les années 1950, une généralisation du sens fondamental des Arts, qui remet en cause la notion de valeur du « beau » mais qui malheureusement occulte par la même occasion celle de l’évolution esthétique à cause d’une remise en question des qualités éthologiques des pratiques.
De par cela le phénomène de résistance imposée par la politique de socialisation des Arts, dans la société occidentale actuelle, se traduit selon des critères économiques puisque la notation fut remplacée par la notion de programme, ce qui donne naissance à un amalgame ou toutes formes de réplication retrouve une justification dans l’histoire étymologique du mot. Mais cela constitue une recherche sociologique qui, encore une fois, nous « éloignerait » de notre sujet.
En tous cas, ce qui me paraît important à retenir est le fait que le paradoxe de l’écriture du sonore provienne essentiellement du fait de la difficulté de s’éloigner le plus possible de la relation notation-objet en la rendant inutile à l’essentiel de l’expression et en aboutissant sur la suggestivité. En cela, il y a de plus en plus une prépondérance du rythme sur la dite mélodie afin d’éviter la configuration d’une mémoire affective de l’intelligible en tant que chose entendue et valorisée strictement par l’expérience. Cette allusion au rythme est en relation directe avec la perspective d’une nouvelle sémiotique du mouvement et non pas, comme malheureusement c’est le cas par dérives successives, la réductibilité aux corps constitutifs d’une codification uniformisée.
En guise de conclusion à cette brève présentation je vais aborder l’écriture de ma pièce Sueño, que vous entendrez au concert de ce soir.
Lorsque j’ai commencé à l’écrire j’avais le choix d’échapper à la notation ou alors de prendre le risque d’être cataloguer (en premier par moi-même) de post-moderne. Finalement j’ai opté pour la notation, en appliquant ce que je viens d’argumenter, c’est-à-dire privilégier la construction rythmique au-delà de la notation phrasée.
Cela se traduit par un flux sonore sans aucune interruption, une trajectoire dont le mouvement continu change d’allure mais ne s’arrête qu’à un point donné comme finalité de la rencontre des deux instruments. Il n’y a aucune construction formelle autre que celle qui se détermine par des structures libres. Cela pose le problème entre une notation rigoureuse et les paramètres chaotiques de l’écriture ce qui présuppose d’accepter l’expression comme résultante aléatoire du mouvement et non pas comme issue d’une présence fixe, dont la perception de cette fixité finit par rétrécir progressivement l’espace, le réduisant à une seule dimension humaine du « soi ».
Je terminerai par un résumé de la phrase du compositeur italien Franco Donatoni qui me disait souvent: j’ai fais un nouveau rêve, mais je suis un comptable et un artisan, à chaque fois que je compose je me décompose avant, et j’ajouterais: l’important ce n’est pas de compter les mots du discours pour savoir s’ils peuvent resservir un jour mais d’arriver à se décomposer jusqu’à sa propre écriture et de percevoir ainsi que l’expression existe en dehors de l’image ou de la communication et qu’elle n’est pas une fiction mais une nécessité existentielle qui mène à discurrir en-dedans de la passion.
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