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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 23:58

 
03 Glas des Miroirs
par Arthur Thomassin

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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 22:26

   CATALOGUE – COMPOSITIONS

 

Partitions 2005 - 2012 :

  • Poïesis - Ensemble Instrumental - Flûte trav., Clarinette sib, Saxophone T, Tropmette ut, piano, 4 percussions. "Poïésis" fait partie d'une oeuvre théâtrale sur des texte de O. Campos. Création le 1er juin 2012 à l'ESSEC de Cergy.
  • "Postures 1" pour 7 percussions et sons informatique. Création le 2 juin Salle d'exposition des "Carreaux" à Cergy, dans le cadre d'une performance musique et visuel (peinture).
  • Mais Si…como una puerta que da al mar " - Ensemble instr. Flûte trv. Ut, Clarinette sib, Cor, Violon, Percussions – création ESSEC Cergy 2011.
  • Le Chant d’Icare – Orchestre d’harmonie et cordes, piano et guitare basse –ESSEC 2010, commande du " Vent se Lève " dir. Mico Nissim.
  • Miroir Orange brisé – trio saxophone, cor, piano – commande du Festival de la Comunidad de Badajoz (Espagne). 2010
  • Resonare Fibris pour Chœur, orchestre et orgue. 2008
  • Trois Figures, 2ème Quatuor à cordes, 2007

Partitions 2001 –2009 :  

  • Renga 1 - pour l'OFF et un orchestre d'école de musique (pièce pédagogique)
  • Analecta XXI – pour quatuor de guitares –2008 création 14 mars Théâtre des Arts à Cergy  
  • Elchésaïte - grand orchestre d'élèves, commande MPA d'après un poème de J. Roubeaud  
  • Analecta XII – pour grand Orgue – commande du Centre Culturel de Bucarest (création Avril 2005).
  • Analecta IX, Luctamen II - pour orchestre symphonique 
  • Analecta VIII -  Luctamen I – pour piano à 4 mains et 3 percussions.  
  • Analecta XIV , pour Flûte (picc., ut, sol, ), Violon, Violoncelle et 3 percussions (Vibraphone, 2 timbales, jeu de cloches tubes, 2 T.T.)   
  • Analecta VII - ensemble instrumental avec piano - création par l'Atelier du CRR de Versailles dir. P. Mefano 
  • Analecta IV -  Violon et Alto.
  • Sueño - pour Flûte traversière (Fl. à bec) et Violoncelle  
  • Le Glas des Miroirs Création le 14 Juin 2001 – pour Soprano, Baryton, Hautbois, Basson et piano.
  • Cant 1 et 2  -  Tuba et orgue mécanique  - création à Cergy 2007 

Compositions antérieures à 2001 

  • I.M.E.E - pour piano, création Madrid Circulo de Bellas Artes
  • Processus pour grand orgue- 1988 - 16 min. - 1989 - 15 min. - création: Madrid, Circulo de Bellas Artes. création: Paris, Eglise de la Madeleine et à Madrid par M. Dominique Serve, et dans le cadre du Festival de Paris sur l'orgue de l'Eglise St. Germain des Près par M. Perdigon. - (Enregistrement RNE, partition et programme)   
  •  La romance somnambule - Soprano et Flûte - 1982 - 7 min.- (Texte de F.G. Lorca) création: Paris, Salle du Musée Guimet   
  • Dimension, Flûte et piano- 1982 - 10 min. - création: Paris    
  • Mémoire d'eau - 1990, Violon, Violoncelle et piano - 15 min.- création: Madrid, Circulo de Bellas Artes - concert Casa de Velazquez - CDMC.  
  • El Primo - Ensemble instrumental - Création à Badajoz (Espagne) et CD, dir. Daniel Sprintz 
  • **Analecta II - Reliquae I, II et III pour quatuor à corde - commande de la Casa de Velazquez - Compact Disque, MFA à Paris par le quatuor Rosamonde. (partition, CD et programme). (Ed. Delatour France – site www.di-arezzo.com)  
  •  Om (AUM) - 1990 - Quatuor de Saxophones - 6 min. - création: Madrid, Festival du 150 ème année du Saxophone, Circulo Bellas Artes.
  • Esquisses de l’Ame d’un bouffon - 1998 - 7 min. - Flûte, Clarinette sib, Violon, Violoncelle - Ensemble de la Ville d’Avray - Création à Paris 1999. (Ed. Delatour France – site www.di-arezzo.com)  
  • Mandala I - sextuor cordes - 1991 - 12 min. - création: Madrid, Centro Reina Sofia - Sextuor de Lille (AIEC).  
  • Analecta III , Au-delà du temps - 1997 - 17 min. - Octuor de violoncelles - Création à Amsterdam 1998 par le Cello Octet Iberico dir. Elias Arizcuren - CD Channel. (Ed. Delatour France – site www.di-arezzo.com 
  • Mime 1 - – pour 12 percussions et synchronisation support audio CD, création au CRC de Conflans (78) en juin 2007. – pour grand orchestre –commande de l’ARIAM Ile de France 2007 – création Auditorium Saint-Germain à Paris – Avril 2008
  • La ballade de l'eau de mer  - Soprano, Flûte et Percussions (Texte de F.G. Lorca)
  • Flo.... - 1987 - 9 min.- création : Avignon. Ensemble "T.E.M.P.P.O.", dir. : Arthur Thomassin - 4 Voix de femmes, Flûte, Hautbois, Saxophone, Harpe, Célesta et 3 parties de guitare.
  • Retour-Ujana Sadhana - 1990 - 8 min - création: Paris, Maison de la Radio Ensemble Intercamara, sous la direction d'Arthur Thomassin - Mezzo Soprano, Flûte, Saxophone, piano et bande magnétique réalisée dans les studios du LIM-CDMC (Labotatorio de Informatica de Madrid y del Centro para la Difusion de la Musica Contemporanea).
  • Présence III - 1991 - 10 min. - création: Paris, Maison de la Radio. (RF) (enregistrement, partition et programme) Ensemble Barcelona 216, sous la direction d'Ernest Martinez Isquierdo - Flûte, clarinette sib, piano, percussion, violon et violoncelle.
  • ANKH - 1990 - 12min.- création: Madrid, Auditorium National d'Espagne. (RNE) - enregistrement, partition, programme. Ensemble Erwartung, sous la direction de Bernard Desgraupes : Flûte, hautbois, clarinette sib, Basson, cor, piano, percussion, violon, alto, violoncelle, contrebasse.
  • Présence I pour violoncelle et bande magnétique. Commande du CDMC Madrid pour le Festival d'Alicante: création: Alicante - 1991 - 10 min.(RNE) - enregistrement, partition, programme.  

  • Présence II - 1991 - 9 min - création: Madrid, Auditorium National d'Espagne. (RNE) - enregistrement, partition, programme. Ensemble Itinéraire, sous la direction de M.Challandar - Soprano, Flûte, clarinette, cor, piano, piano et bande magnétique réalisée dans les Studios du MIM-CDMC.
  • Présence II S - Réalisations électroacoustiques : 1991 - 8 min 46". - enregistrement, partition, programme. - Commande du Festival de musique électroacoustique de Barcelone
  • 8 Séquences Chartres - concert luminographique pour le 8ème Centenaire de la Cathédrale de Chartres - 1994 - C.D. Orta n° 02 (23). - musique improvisée et transformée par ordinateur. Improvisations sur l'orgue de Chartres: Odile Jutten. Effets de bruitage, synchronisation et réalisation technique du "master" François Dussolier dans les studios de "Bande Annonce" à Maison Alfort. Graphismes et projections d'images sur la Cathédrale par G. Orta  
  • Légende 1986 - 14 min. Poème concertant pour Cor, Hautbois et orchestre. Commande du Festival de Carpentras, dir. Ph. Perrin.
  • Signes - concerto pour flûtes traversières, orchestre cordes, un hautbois et une timbale. Commande du festival de Carpentras 1985, création par l'Orchestre des solistes d'Avignon et Carpentras, dir. Ph. Perrin
  • Resonare Fibris - pour choeurs amateurs et orchestre d'élèves. 
  • Contretemps ensemble de pièces pour guitare. Ed. Lemoine 
  • Camino – concerto pour piano et orchestre niveau 1er Cycle., 15 pièces pour guitare, (Ed. Lemoine) – mouvements pour différents instruments solistes (2ème – 3ème cycles) et orchestre d’élèves (1er et 2ème cycle) –solistes : piano, flûte, quatuor de saxophones et orchestre, violon, alto, violoncelle, trompette, cor, trombone, tuba. – pour Chœurs et Orchestre avec orgue, 2008 (Ed. Delatour France – site www.di-arezzo.com
  •  Chant des Morts, en hommage aux polonais exécutés en 1980 - piano - (CNR de Rueil, classe de Mme Lucettes Descaves.) - piano 4 mains. - 1980 - 5 min. - niveau Elémentaire. 
  • 4 Constantes pour piano- 1980 - 12 min. - création: Paris, Espace Confluences.  
  • "Bagatelle" - commande pour l'orchestre des prix de l'E.N.M. de Manosque - Dignes - 1987 - 10 min. - concerts à Manosque, Carpentras, Dignes et Marseille.
  • Auteur de trois Contes musicaux pour enfants débutant la musique - 1983, 1984, 1988 - Création à Vence, Roquebillière et Carpentras.

Certaines œuvres peuvent être consultées et/ou écoutées au Centre de Documentation de la Musique Contemporaine (CDMC) - Cité de la Musique - 16 place de la Fontaine aux Lions 75019 Paris - Tel. 01 47 15 49 81.

 

Editeurs : Delatour France (www.editions-delatour.com), Lemoine, et également catalogue sur di-arezzo.com

 

Discographie  

  • CD MFA 216012 - Quatuor à Cordes - Analecta II, par le quatuor Rosamonde
  • CD Channel Classics (Hollande) CCS 11798 - French Music - Analecta III, par le Cello Octet Conjunto Iberico 
  • CD ORTA 2 - Chartres, lumières sacrées. - 8 Séquences.
  • CD de l’Ensemble de Madrid dirigé par le compositeur Daniel Sprintz, avec l’enregistrement de El Primo.

 

 

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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 21:34

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par Arthur Thomassin

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1 janvier 2010 5 01 /01 /janvier /2010 21:34
 

Phénomène d’hypotypose1.

 

La notion de langage est une valeur complexe à partir d’éléments déterminés par des mouvements signifiant les sens affectifs. Comprenons par le mot « affectifs » la racine d’affects ainsi que la définition sous-entendue des diversités fonctionnelles et physiologiques déterminées ou indéterminées par l’émission d’ensembles coordonnés de stimuli. A titre d’exemple et selon le professeur Porphyre, un ensemble de mouvements produit des sens déterminés affectifs ou communiquant et en absence de toute oralité. C’est le cas de la posture ou de la mimique. Selon la distance qui permet d’entendre les sons et de les associer au gestuel visualisé, tout mouvement s’adresse à une interprétation sensible et non pas liée au langage - même si nous ne comprenons pas la langue, celle-ci indique la plupart du temps le sens du geste spontané.

Cela constitue le processus de la vision concrète objective, ou alors, suscite l’apparence d’une pseudo vision subjective simultanée ou non. C’est une des définitions possibles de l’imaginaire qui « fabrique » une image cérébrale à posteriori, à partir de séquences stockées par le système mnésique des fonctions sensorielles. Autrement dit, nous parcourons plusieurs étapes avant de posséder une vision des choses, afin de les interpréter et les comprendre. Une des significations les plus importantes du mot « comprendre » est un nombre déterminé de signaux qui déclenchent le processus de décodage, ou d’une mémoire de l’apprentissage qui mènent à l’entendement ; cela afin d’interpréter le geste réfléchi en rapport avec la réponse par un geste que nous pouvons appeler spontanéité réactive. Dans le domaine relationnel entre deux personnes, la qualité expressive de l’un à est celle qui, lors de l’action, suscite la mémoire en tant que répondant au processus de l’entendement. Ainsi, un geste est décodé par la réactivité mnésique, ou alors, il est mémorisable pour une future expression similaire. A travers l’articulation phonologique d’une phrase, le geste déclenche chez l’autre une réaction qui peut être exprimée par une autre représentation sensible. L’interprétation et la réponse peuvent être complémentaires ou opposées à la parole : gestuelle, tactile, onomatopéique, mimétique etc…Mais elles peuvent être aussi inconnues, c’est à dire difficilement mémorisable ou réactive, à cause de la perception de sens, entre langage signifiant et gestuel, contradictoire. Par exemple, dire « j’arrive » en regardant une personne et partir en même temps. Ou alors un autre exemple : un gestuel synchronisé à une augmentation d’intensité sonore et de mots signifiants un état dramatique de colère, reçoit une réponse par un gestuel spontané réactif dépourvu d’expression orale – une attitude de posture qui fait partie, par exemple, du spectacle dit vivant par opposition à l’écoute d’une œuvre enregistrée. L’appréciation esthétique d’une œuvre vocale, instrumentale, ou les deux à la fois, associe également pour un non musicien, les images du gestuel instrumental ou vocal qui lui sont associés – dans certains cas le lieu et l’environnement : alors que l’écoute a posteriori de l’enregistrement de la même œuvre, suscite des images résumant les éléments perçus et « dénaturant » l’appréciation esthétique ciblée sur la musique. Dans les deux cas, l’état fonctionnel général s’inscrit dans la notion de potentiel mnésique de chacun, mais malgré cela, le jugement esthétique retrouve un « socle » commun entre les individus représenté par une « moyenne » des données affectives.

  • A ce titre, la représentativité mimétique demeure déterminée par le principe de réplication, dont les images représentent la reconstitution, l’aboutissement, la projection et l’induction comportementale dans des « univers » constitués par « l’Ecriture » comme englobant de la clarté des notations.

  • L’image représente simultanément les contraires ; elle est productive et réflective des phénomènes sensoriels spécifiques ou devient universelle à travers des « moyennes » constituées par des différents types de communication. Elle reproduit « l’invisible » répondant ainsi aux besoins vitaux de l’Etre humain, dont la volonté d’appropriation nécessaire à l’existence - la confirmation d’exister à partir de sa conscience ou celle donnée par autrui envers soi, engendre la détermination de matérialiser l’image, de lui donner un « corps ». Cela représente une des différence fondamentale entre la nature et l’Homme.

L’ensemble de ce fonctionnement, dont la complémentarité des tracés de communication, constitue deux aspects physiques de l’Ecriture2 : la phonographie et la sémiographie.

Les deux déterminent les représentations extériorisées du « soi » sensible, en tant que poïétique du créateur et sont également étrangères à la notion de « normalité » lorsqu’il s’agit d’imaginaire.

L’Être humain procède par nécessité à la communication notifiée, puis matérialisée, synchronisant cette « nécessité » qui le caractérise depuis son origine et en transposant les propriétés des systèmes visuels aux « inventions » technologiques de l’imagerie fixe (photographique) ou successive (cinégraphique). Pour cette raison tout ce qui dépasse la correspondance avec les paramètres qui caractérises la « stabilité » définie par les « limites » organiques spécifiques au corps, représente cet imaginaire créatif. A titre d’exemple, une couleur vive qui dépasse le champs de vision et nécessite un mouvement ; un enchaînement d’images supérieur au 24I/sec. ; un débit de mot qui dépasse le rythme et la vitesse correspondantes à la compréhension. A ce sujet, une langue étrangère à celui qui écoute, où les mots s’enchaînent à une vitesse qui dépasse le temps d’assimilation de l’articulation, ajoute une difficulté supplémentaire quant à l’identification de l’appartenance géographique, car elle peut ressembler à une autre langue à travers l’intonation.

Revenons à notre rapport entre langage parlé et l’écriture et retenons le fait que le sens donné après la constitution des mots, puis des phrases signifiantes, des liens avec l’identification des objets etc…, tout ce qui concerne ce que nous appelons les langages notifiés pour signifier, ne représentent qu’un aspect secondaire à ce qui est de l’Image issue du graphisme de l’écriture. Tout le monde connaît l’anecdote de celui qui traitant d’imbécile son interlocuteur, le fait avec le sourire mais en japonais.

Ce magnifique sourire projeté et perçu « graphiquement », rassure celui qui écoute ce qu’il ne comprend pas, mais qui donne une réponse « mimétique » dans une langue que son interlocuteur à son tour ne comprend pas. L’unique moyen de la communication relève de paramètres « primaires » de l’Ecriture (gestuel, onomatopéique, graphique) qui peuvent s’avérer la base d’un nouveau langage, ou alors des moyens expressifs qui transitent par l’usage instrumental ou gestuel artistique (sonores, musicaux, picturaux-réproductif, etc..). De nouveau, dans les deux cas l’Etre vivant en général, fait état de sa créativité afin d’exprimer ou de communiquer.

Comme nous l’avons déjà présenté, les capacités auditives et tactiles représentent un socle fondamental de la « vision » cérébrale. Lorsqu’on raconte une histoire en tamoul ou en une langue que nous ignorons, le cortex auditif est activé et le cerveau intègre l’information phonologique et non pas sémantique (le sens). Mais dans le cas d’un texte en français (pour ceux qui comprennent la langue), un plus grand nombre de zones cérébrales s’activent afin de traiter les paramètres sonores et aussi de traiter les mots par l’identification.; cela active une zone portant le nom de l’aire de Broca dans l’hémisphère gauche et non pas dans celle de droite (qui supplée à d’autres fonctions notamment spatio-temporelles du langage). En complémentarité et dans la même hémisphère gauche, le traitement sémantique du sens active l’aire de Wernicke, qu’englobe à la fois le gyrus temporal, moyen et supérieur. Nous constatons ainsi que l’activation partielle ou généralisée de ce qui mène à l’entendement, repose dans sa partie primaire, sur le fonctionnement d’un ensemble cérébral qui permet la « captation » et la répartition des éléments perçus. Le raisonnement, c’est à dire ce qui donne lieu à une analyse a priori de l’action, stimule à la fois ces circuits neuronaux et ceux de l’ensemble mnésique (expérimentation a posteriori).3

Enchaînons par une anecdote, en compliquant les faits pour montrer l’aspect complexe de l’audition liée à l’imaginaire. X qui écoute la voix téléphonique de son interlocuteur Y, et qui s’imagine à partir du son de la voix qu’il entend mais ne comprend pas la « langue », que son interlocuteur téléphonique est en train de sourire. L ‘image est absente, et devient « fabriquée » selon plusieurs critères : X connaît les traits du visage et le caractère de Y – ou alors, X connaît seulement les traits de Y – ou alors X ne connaît pas Y, donc il ne peut qu’imaginer un sourire sans « visage », disons un « sourire sonore ». Ce qui est important de remarquer c’est l’évolution de la marge d’erreur qui augmente au fur et à mesure lors des trois possibilités mentionnées entre X et Y. Mais cela implique aussi, que toute communication orale a un impact déterminé selon un sens particulier définissant un rapport réactif, de « force » et d’entendement et non obligatoirement de compréhension et/ou d’intelligence. Autrement dit, la réaction de X se classe dans le domaine du possible. Un exemple musical illustrant partiellement cela, est « l’œuvre » silencieuse4 (environ 20 minutes) pour piano, en présence de l’ensemble constitutif d’un concert, par le compositeur américain J. Cage. Il ne se passe rien d’autre que ce qui est de l’œuvre « concert » dont l’objet (le piano) et l’interprète sont présents et suscitent ce qui est à la fois du domaine du possible et de l’impossible sonore. Cette œuvre devient la représentation conceptuelle ; elle est présente mais « inécoutable » a posteriori de sa création et elle ne peut être présentée a priori non plus sans l’apport de l’imaginaire. Quant aux langages « naturels » du gestuel signifiant, les moyens de communications d’aujourd’hui (télévisuels), qui permettent leur visibilité d’un point à un autre point du monde, auraient rendu l’analyse encore plus compliquée de par la représentation musicale « muette », en réduisant l’espace du visible par un directionnel imposé par la technique sélective de la transmission.

 

 

Maintenant, prenons le cas de la communication la plus « naturelle » comme celle est du gestuel signifiant. Elle traduit le degré d’intensité, l’amplitude et la sensibilité du ressenti et détermine à travers le mouvement, le sens et l’intentionnalité de celui-ci. Toute communication où le mouvement visible est absent, devient indéterminée et donne lieu à un rapport ou l’espace se réduit proportionnellement à la durée. Cela engendre et rend inévitable l’expression sonore, autrement dit, un « événement nouveau » et des paramètres signifiant « nouveaux ».

La contraction de l’espace à travers la durée – appelons cela la segmentation du temps - caractérise la variabilité de la capacité visuelle de la profondeur de champs contenant des plans différents qui nécessitent une attention particulière et par mouvements successif. Le même principe du rapport entre l’aspect segmenté du temps et de la vitesse de transmission concerne l’audition. Par exemple, nous pouvons observer ce phénomène lors de l’écoute d’un ensemble de sons composé d’intensités et de dynamiques variables autour d’une sonorité dominante. Ce qui découle de l’aspect variable des plans secondaires en rapport avec le sujet dominant et qui représente la perception globale, c’est la part de l’imaginaire. En inversant les rôles, c’est-à-dire en accordant une attention particulière à un autre élément figurant dans le plan secondaire, nous justifions le sujet dominant  dans un contexte créatif. Toutefois dans le cas d’une perception tactile afin de découvrir la forme d’un objet par un individu atteint de cécité, le processus est différent ; celui-ci va reconstituer « l’image » par l’assemblage des segments (des figures géométriques) qui composent l’objet afin d’obtenir un volume, ce qui nécessite une période temps plus longue. L’identification de l’objet par la recomposition des formes et volumes géométriques, est un point commun avec les autres moyens de perception.5 Lors du processus de transmission et de stimulation neuronale, l’inversion entre le sujet dominant et les plans secondaires s’effectue de manière sélective. Le déchiffrage des codes de cette inversion - par la « logique » algorithmique - est déterminé par des processus plus complexes encore et qui suscitent au niveau du cortex ce que nous appelons « l’imaginaire ».

L’effet de « miroir » se compose ainsi partiellement dans des rapports vectoriels de symétrie entre « l’image » mémorisée et l’image recomposée. L’algorithme complexe de ces représentations introduit la notion de variable entre deux entités linéaires, dont l’activation et la réactivation concernent l’identité des mêmes réseaux neuronaux à travers les potentiels de transmission assurés par le réseau axional ; in fine le rapport de régulation quantitative au niveau des multiples transmetteurs, joue un rôle fondamental dans tous les processus neuro-perceptifs. Lorsqu’on demande à un individu s’il se « voit » sa réponse sera négative mais il répondra qu’il « se ressent », ou alors qu’il a conscience de ce qu’il ne voit pas, tels les mouvements de son visage lorsqu’il adopte par exemple un sourire. Celui-ci « imagine » son sourire par la fabrication d’une image « fausse » qui lui permet de contrôler les muscles faciaux en se figurant de manière fictive son « visage ».

 

La transposition dans le « monde visible et audible » de l’invisible qui nous anime, relève des pratiques spécifiques à chaque arts, même si nous avons démontré qu’il existe un socle commun des langages6, de par les capacités fonctionnelles et des constitutions anatomiques.

 

 

 

L’Hypotypose – de la diversité fonctionnelle entre sons et textes -

 

La musique7 sous l’égide d’Apollon8 et de son fils Esculape, est un art vivant identifiant le sens moderne donné à l’Ecriture. Elle est représentée par des sons30 9en tant qu’induction physiologique des êtres de toutes les espèces animales et aquatiques. C’est le seul art qui ne possède qu’une matérialité physique « impalpable » car « intérieur » aux corps, mais mesurable et notable par l’artisan. Par définition elle est l’abstraction signifiée par des nombres qui expriment « le relationnel éclairé » justifiant les mouvements. Comme nous l’avons évoqué au début, ses représentations et orientations sont variables selon les expressions et les pratiques communicatives. La musique moderne existe de par ses supports et ses instrumentations, mais elle demeure fondamentalement l’identité des sons ; identité souvent oubliée au bénéfice des arts visuels, lorsqu’elle prend le sens esthétique (et non pas stylistique) d’accompagnement musical. Elle ne reproduit rien d’autre qu’elle-même, elle n’est pas visible et non plus déterminée par une durée ou surface limitée. Elle identifie l’expression poétique en suscitant la spontanéité sonore associée aux arts visuels – pictographie, sculpture, architecture etc. Dans ce sens la musique dite « pure » n’existe pas autrement que par le reproductibilité conceptuelle de « soi ». A cause de cela, elle ne sera jamais pure dans le sens absolu du terme sauf si elle garde son origine immatérielle à l’état physique qui lui est propre et dépourvue de toute humanité. Il faut comprendre par le sens « humanité », tout ce qui se rapporte aux stimuli qui déclenchent la réactivité physiologique et fonctionnelle caractéristiques du vivant : la sensation, le ressenti, le sensible, l’humeur, l’expression spontanée et celle raisonnée, l’édification conceptuelle des langages et leurs phonétisations etc...

A travers les siècles, elle fut adaptée à la perception par la matérialisation sous différentes formes du « visible » et interprétable à partir des supports : textes musicaux, intonations et récitations poétique, déclamation, inscriptions iconographiques de l’interprétation, picturale et reproductible, partitions, et depuis le siècle dernier, numérisation etc… Et cela, sans entrer dans la complexité des types de supports des nouvelles technologies, qui modifient non seulement les comportements de lecture et d’interprétation de par leur conception, mais déterminent le processus de rapprochement et de mise en évidence du fonctionnement cérébral ; d’où les différentes thèses béhavioristes, ou autres, qui soulignent ou s’opposent à un phénomène ancestral de la démarche humaine : découvrir et imiter pour dépasser son propre Etre, autrement dit, la défiance des corps au bénéfice de « l’Esprit ». Mais revenons à notre sujet, puisqu’il s’agit là d’une autre analyse qui toutefois se trouve en lien directe avec nos interrogations au sujet du « miroir » de soi. D’une manière schématisée et générale10, plusieurs exemples différents de situations de la réactivité des fonctions sensorielles et mnésiques liées au corps, révèlent à la fois la spécificité de chacune des expressions et le socle commun, qui dans le domaine génétique porte le nom de « gastrulation »11.

Il est évident qu’en ce qui nous concerne, cette étape fondamentale n’est pas un fait présent lors des pratiques artistiques, mais en faisant un pas en arrière dans notre « miroir », nous constatons que tout le trajet à partir de la sensation et du concept naissant jusqu’à la création de l’œuvre, et même sa représentation, ressemble aux processus qui nous composent.

Ce parcours comportemental du « créateur », de « l’artisan » et de « l’artiste », a son histoire comportementale qui se manifeste par les techniques abordées comme des révélations de la recherche.

L’œuvre devient ainsi la codification sensible de « l’image » de Dorian Gray, des viscères déformantes de Bacon, de la géométrisation cubiste, de l’expression spontanée à l’ordre monodique grégorien, des musiques iconographiques aux « architectures » des héros de l’antiquité grecque dans l’imaginaire dramatique de Wagner ; de la statue antique à Giacometti en passant par la représentation sculpturale de la culture africaine, du voyage épique de Manfred aux désespoirs de Wozzeck, du sens narratif de Tacite aux jeux de l’existentiel de O. Paz et S. Beckett, de l’énigme du Silence chez N. Sarraute aux rêves « éveillés » par la souffrance d’Aragon et la révolte esthétique et politique de Breton, du rituel architectural du jardin japonais et le graphisme poétique chinois à la science du renga mathématique de l’esprit de Jacques Roubaud, etc…

L’énumération que vous venez de lire, est volontairement désordonnée afin de confronter les différentes démarches qui se conjuguent à partir de ce que j’appelle le socle commun du créateur ; celui-ci ne pourra pas « sortir » ailleurs de soi tant que physiquement il n’aura pas trouver « inconsciemment » un autre « corps » pour l’Esprit. La dialectique de cela est que le « créateur » humain sera toujours réduit à une mémoire identitaire préexistante et qu’en sculptant son propre corps ne modifiera pas l’existant mais il se réduira dans une dimension à partir de laquelle il se heurtera aux rapports entre l’espace et le temps, qui le renverront à sa dimension initiale12. Cette itération sur un axe en mouvement dans une dimension invisible mais calculable, suscitera toujours l’interrogation de Beckett  dans l’Innommable et la réponse de Paz dans son XVIème poème en prose (Aguila O Sol)13 que nous citerons pour conclure et qui est un magistral exemple poétique de notre impuissance d’aller en soi et de contrôler l’absolu – le tout conscient - c’est à dire, l’image du miroir. L’Art devient ainsi l’unique moyen « absolu » d’un « tout » relatif et fictif, par lequel l’homme est la vraisemblance de sa pensée. Nous sommes des navires lourds de nous-mêmes,/ Débordants de choses fermées, nous regardons/ A la proue de notre périple toute une eau noire / S’ouvrir presque et se refuser, à lamais sans rive.14

Le mal-être ou mal à l’aise aujourd’hui, reflètent le déplacement et la mutation progressive de cet axe où figurent l’itération consciente des pratiques et leurs mutations dans l'inconscient. Cela entraîne une « révolution » vers l’essentiel de chacune des définitions d’origine, marquant ainsi la notion de « pouvoir » comme intrinsèque entre l’Etre humain et ses « découvertes ». L’image se heurte ainsi à l’imaginaire, le langage à la prépondérance de la sensation;  le politique à l’architecture de la Cité et cette dernière à l’Etre Humain créatif.

1 L’hypotypose peint les choses d’une manière extrêmement vive et énergique. Elle les met en quelque sorte sous les yeux et fait d’un récit ou d’une description, une image, un tableau ou même une scène vivante. L’hypotypose est un développement de l’image au double sens du terme : image visuelle et image rhétorique (métonymie ou métaphore). Les comparaisons et les allégories seront souvent des hypotyposes, dont le sens contraire est la schématisation.

2 Egalement les travaux sur l’Ecriture chinoise du chercheur Yan Shun-Chiu – EHESS.

3 Traité des sciences cognitives – O. Etard et N. Tzouri-Mazoyer, Lavoisier 2003

4 L’œuvre porte le titre de 4’ 33 pour piano – J. Cage

5 Schéma 2 à la fin de l’ouvrage.

6 Pour ceux qui souhaitent approfondir la recherche du « socle » commun des langages, une des thèses fondamentales est représentée par le lambda calcul et des analyses développées à ce sujet.

7 Musica – Mousikê sous entendu teckhné : l’Art ou technique (te des Muses – dérivé de Mousa (muse) sous la conduite d’Apollon.

8 Apollon, une des principales divinités grecques, dieu de la lumière des arts et de la divination. Asclépios dieu de la médecine (Esculape chez les Romains),serait, suivant la légende la plus répandue, le fils d'Apollon et de Coronis (fille de Phlégias, roi des Lapithes).

30Adjectif – formes latines suum, suam, suos suas employées en position atone, à l’accusatif du latin classique suus (son, sien leur). Le son (musical) représente la réfection (vers le 12ème s.) d’après le latin et de l’ancien français suen, issu du latin sonus (son-bruit), mais surtout accent de la voix. En acoustique moderne, le mot désigne toute sensation auditive créée par les perturbations d’un milieu matériel élastique, et en particulier l’air. Au 13ème s., il désigne l’air de musique accompagnée ou formant un chant, d’où le sens de bruit rythmé vers le 16ème s. – Dict. Hist. De la Langue Française – sous la dir. Alain Rey – Ed. Robert.

9

10 Voir Schéma 2 en fin d’article.

11 Terme utilisé par François Jacob – Prix Nobel de Médecine – désignant une sorte d’invagination précoce par quoi se forment les feuillets cellulaires superposés. Situation de première importance, puisque là commencent à diverger des types cellulaires différents et à s’esquisser certaines formes du nouvel individu. Certains embryologues considèrent que c’est l’événement le plus marquant dans l’histoire d’un être humain, encore plus que la fécondation par quoi débute son développement, ou la naissance…in « La Souris, la Mouche et l’Homme », par François Jacob, Ed. Odile Jacob, p. 144.

12 El hombre es el alimento del hombre. El saber no es distinto del soñar, el soñar del hacer.La poesia ha puesto fuego a todos los poemas. Se acabaron las palabras, se acabaron las imagenes. Abolida la distancia entre el nombre y la cosa, nombrar es crear, e imaginar, nacer.

13 S. Beckett : Comment fais-je pour écrire, à ne considérer de cette amère folie que l’aspect manuel ? Je ne sais pas. Pas cette fois-ci. C’est moi qui écris, moi qui ne puis lever la main de mon genou. C’est moi qui pense, juste assez pour écrire, moi dont la tête est loin. Je suis Mathieu et je suis l’ange, moi venu avant la croix, avant la faute, venu au monde, venu ici.

O. Paz : …tu, mi Grito, surtidor de plumas de fuego, herrida resonante y vasta como el desprendimiento de un planeta del cuerpo de una estralla, caïda infinita en un cielo de ecos, en un cielo de espejos que te repiten y destrozan y te vuelven innumerable, infinito y anonimo.

14 Yves Bonnefoy, in Les Planches Courbes (Dans les leurs des mots), Ed. NRF Poésie/Gallimard 2001

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1 janvier 2010 5 01 /01 /janvier /2010 21:27

L’image « aveugle »: fragmentation et recomposition de l’imaginaire.

 

L’Etre humain est l’unique espèce qui par l’éducation, a la capacité de s’interroger, entre « l’infiniment petit » et « l’infiniment grand » afin d’assumer sa survie dans un espace-temps fictif, qu’il ne cesse de traduire et d’interpréter sous une forme segmentée linéaire. Alors, être artiste, c’est mettre en évidence l’articulation des espaces volumétriques du temps, se situant ainsi dans l’abstraction. C’est peut-être cela, la première fonction physique productive de la mémoire de chacun. A.T.

« Mal-être » ou « mal à l’aise », expriment la singularité de l’Etre

créatif1dans la Cité, lors de ses rapports sociaux et ceux du vivant. Les deux identités – Etre créatif et Cité - sont à la fois conflictuels et complémentaires - telles les résonances harmoniques - de par l’esthésie des langages du politique. Ces langages synthétisés animent l’iconographie de l’écriture par l’image « parlante » insérée dans l’environnement codifié et s’adressent, tel un acteur muet mais présent, à ce qui compose la mémoire de l’existence.

créatif1dans la Cité, lors de ses rapports sociaux et ceux du vivant. Les deux identités – Etre créatif et Cité - sont à la fois conflictuels et complémentaires - telles les résonances harmoniques - de par l’esthésie des langages du politique. Ces langages synthétisés animent l’iconographie de l’écriture par l’image « parlante » insérée dans l’environnement codifié et s’adressent, tel un acteur muet mais présent, à ce qui compose la mémoire de l’existence.

 

L’Etre « imaginé » par une projection « imagée », s’expose de manière réactive à la perception générale, à la visibilité et à l’entendement critique subjectif ou objectif, devenant remarquable, mais aussi, sujet de l’oxymore entre la philosophie, le social et la capacité d’assimilation des codifications organisées politiquement.

De la constitution du premier Etre vivant, issu de la convergence d’éléments pour former les qualités fonctionnelles et temporelles de l’existence, nous aboutissons aujourd’hui au fonctionnement « conditionné » d’un système de valeurs de l’existant, où les qualités s’opposent et ne représentent plus la dominante de l’Etre.

Les discours au sujet de la mondialisation, de la politique culturelle de « masse », des aspirations « confectionnées » par les médias politisés selon la pseudo « demande » populaire, les thèses idéologiques argumentées par la philosophie des temps de crises et de guerres qui ciblent l’information et la communication, ne tiennent que rarement compte de la réalité de l’Homme et de son aspiration vitale d’affirmer « sa » valeur en tant qu’identité constructive de point de vue culturel, créative et productive. Souvent l’Homme est présenté comme « l’objet » de la crise. Nous constatons ainsi des recentrages communautaires des pratiques traditionnelles, le retour à la régionalisation des cultures et l’affirmation des identités linguistiques et sémiologiques qui se heurtent aux moyens de régularisation. Cela se traduit également par une assimilation forcée à travers la politique de la modélisation et non pas à travers l’éducation des consciences. L’image reflétant les « névroses de défense » tant à titre individuel que celui des communautés, se transforme en langage fictif de régulation employée dans un esprit de gestion et de « management » du comportemental de l’Etre Humain. Par la pratique généralisée cela devient la révélation flagrante de « l’injection technologique suscitant les ingrédients de la modernité » qui se réfère à l’immédiateté de l’entendement et à l’usage-utile au détriment du rythme biologique du processus d’assimilation mnésique. Jean-Pierre Changeux, neurologue et directeur de recherche, dans son ouvrage intitulé Raison et Plaisir, précise le processus de mémorisation et du rapport avec le temps2.

La confrontation entre l’Homme et le Pouvoir, transforme les données de la perception et de l’entendement du « sensible », puisque l’Art contemporain et l’Artisanat de la modernité, ne sont plus des valeurs intrinsèques à l’éducation, mais des moyens ajoutés, sorte de libre espace des cultures populaires, devenant ainsi les contre-valeurs historiques opposées à l’appropriation politique des qualités qui caractérisent socialement - de par la diversité culturelle - la Cité. Par exemple, les analyses transversales, voir technocratiques, effectuées en dehors de toutes expériences directes du « vécu » dans le domaine (impliquant la pratique temporelle où l’esprit se retrouve éprouvé par le corps), ne peuvent qu’être attachées aux aspects critiques. Ce type de crise emmenée par l’analyse critique effectuée, développe la pensée synthétisée sur laquelle repose aujourd’hui la plupart des thèses d’organisation sociale et culturelle appliquées par les pouvoirs centralisés de la Cité. Ces pouvoirs démocratiques se heurtent souvent aux replis communautaires et aux aspirations individuelles fondées sur l’affirmation des valeurs culturelles.

Dans ce sens, la Cité, reflète de manière synthétique la projection parfois violente de l’image des qualités existentielles, et par imitation, l’organisation fonctionnelle vitale de l’Etre Humain. En absence d’éducation (païdeia) à partir des transmissions conservatoires où se retrouvent « inscrites » les qualités humaines, ces réactions peuvent devenir violentes et par définition revendicatrices des fondamentaux primaires de l’Etre Humain. La créativité poussée à l’extrême de toutes considérations esthétiques, recherche ainsi la moralité et l’éthique à partir de l’imaginaire traditionaliste d’une appartenance relative à l’identité fonctionnalisée.

Dans certains cas extrêmes, empêcher la créativité « naturelle », induite aux principes d’une chronologie de développement ordonnée sur des bases organiques (topologiques) communes adoptant a posteriori des trajectoires conditionnées et modélisées socialement, peut aboutir à la souffrance sociale de l’individu que la société récuse ou « ignore ». Face aux pouvoirs qui développent des représentations qui transgressent l’expérience de l’individu et qui n’engagent pas la créativité individuelle (artistique ou artisanale) de l’Etre humain, paradoxalement la « Culture » divise la Cité en communautés et installe un « mal-être » de la revendication identitaire. Très souvent ces revendications identitaires se retrouvent transformées et « re-projetées » par les pouvoirs médiatiques afin de servir de moyens de régulation esthétiques qui correspondent plus aux aspects commerciaux qu’aux valeurs de la créativité. L’objet usuel signifiant la dérision de l’œuvre d’art (Duchamp), la déformation géométrisée des figures suggestives, l’absence de figuratif en tant que « silence » ou « miroir –cadre » de l’imaginaire du spectateur, le « remodelage » du corps de l’artiste livré aux regards en mouvements, sont autant d’exemples qui reflètent non seulement la volonté de l’artisan de situer l’objet d’art sous un aspect critique face à la modélisation et l’automatisation de la créativité mais aussi la diversité des réactions à toute modélisation imposée à l’expression sensible. Il ne faudra pas confondre le terme modélisation et école de style, car si les deux répondent à des notions du pouvoir, le premier engage la raison et la « gestion » humaine de l’œuvre, alors que le second représente l’aspect d’éducation. Un exemple plus récent serait celui des œuvres littéraires, architecturales, musicales, etc. appartenant à des artisans et artistes d’époques anciennes de l’Histoire et qui font l’objet de collages ou qui se servent de cadres référentiels afin de transposer un concept dit contemporain. Plus précisément, la notion de « création » développée par l’institution théâtrale lorsqu’elle programme un auteur reprenant Roméo et Juliette avec des ajouts et réécriture d’un texte ancien dans un contexte de scénographie contemporaine ; l’annonce d’un opéra de Puccini en tant que création justifiée par une mise en scène minimaliste; l’affiche d’une création musicale sur des thèmes de Mozart, et pour finir en art plastiques – où les exemples sont nombreux – les œuvres de Jeff Koons exposées dans le Château de Versailles. L’artiste devient ainsi fétichiste, en se gardant bien de défendre une œuvre comme le résultat au-delà de la nature même de son fonctionnement affectif et rassurant par des valeurs ancrées dans nos mémoires, qu’il s’agisse d’un lieu, d’un texte ou d’une thématique relevant d’un système référencé, ou également en « maquillant » sa démarche par l’effet – visuel dans le cas de Jeff Koons exposant un chien « boudiné » de foire « aux pieds » de Louis XIV et Michael Jackson, emblème d’une image composite en guise de provocation,. Dans tous ces cas, la vision restreinte à sa seule capacité motrice, détermine souvent des positions esthétiques au détriment des qualités de l’imaginaire créatif et fait dériver les qualités de l’œuvre vers l’univers où se rencontrent propagande, économie et multimédia. En contrepartie l’exemple d’une toile appartenant à Johannes Klopper, exposée au Musée national à Stockholm, très osée pour le XVIIème siècle3, demeure « étonnante » car confusionnelle pour l’esthétique de l’époque, mais dans un esprit créatif signifiant les qualités créatives de l’imaginaire. Cette toile permet de constater, de même que pour la facture instrumentale, que l’imaginaire éduqué emmène à un choix stylistique qui ne représente pas la liberté créative, mais la démarche esthétique dans le contexte d’une époque. Sorti d’un contexte et poursuivant une originalité qui individualise l’œuvre expressive en dehors de toutes cohérence historique – même s’il s’agit d’œuvres totalement abstraites - l’objet visuel ne rencontrant aucune cohérence dans l’espace mnésique, tel le cas d’un artiste comme Koons, il devient le reflet de la politique institutionnelle . A l’opposé de cela des œuvres architecturales de David Karavan ou Michel Rémon, qui édifièrent leurs réalisations dans le contexte vivant des villes nouvelles des années 1975, telle la ville de Cergy, retrouvent les qualités de la créativité contemporaine. Un regard esthétique de ces réalisations nous fait constater le phénomène directionnel de la mémoire, puisqu’il est plus facilement d’accepter la présence d’un objet d’art du passé dans un contexte contemporain que celle d’une œuvre de la plasticité actuelle dans un contexte historique ; cette dernière souligne le phénomène de rupture entre ce qui est de l’entendement fondé sur l’assimilation des valeurs historiques par l’éducation et le jugement porté lors d’une confrontation n’ayant aucun support et par conséquent qui échappe au processus révélant « l’évidence ». Ainsi nous pourrions affirmer que la « mémoire créative » n’agit pas dans la linéarité historique mais à travers la « volumétrie » de l’imaginaire, telle la verticalité des transmissions neuronales dans la profondeur du cortex.

Cela traduit en partie l’idée conductrice de notre analyse concernant le comment de la créativité en tant qu’invention où toutes formes expressives et représentations de l’Etre humain, ont comme point de départ les Etres de par leur constitution et leur fonctionnement organique4, cellulaire entre l’extérieur et l’intérieur du corps. Disons que ce qui est infiniment petit, à complexité égale se retrouve dans l’infiniment grand, et que dans les deux cas les moyens de percevoir et de concevoir sont déterminés au départ (et parfois à l’arrivée également) par les moyens d’un imaginaire coordonné dont nous n’avons pas la conscience immédiate.

Nous allons proposer plusieurs points analytiques concernant l’Etre humain sensibilisé par l’image de l’Homme qui « fabrique et perçoit5l’imaginaire » grâce aux potentiels qui lui sont induit et qui lui permettent d’affirmer la nature de sa créativité.

Pour illustrer cette « image » dans l’image visible en mouvement et « stratification » perpétuelle alliée à l’action perceptive (sensori-motrice), citons un court passage des écrits de Baudelaire qui suggère le processus et le palimpseste des paramètres de la vision: un tableau conduit harmonieusement consiste en une série de tableaux superposés, chaque nouvelle couche donnant au rêve plus de réalité.

 

Les postulats à partir desquels nous aborderons ce « voyage dans le miroir » sont les suivants :

 

A. Les Etres se réalisent à l’encontre du phénomène de « l’itération naturelle » ; ce qui représente le créatif humain, c’est le sens des articulations directives et/ou expressives et l’ordonnancement spécifique des sens constitutifs des langages. La racine commune de la genèse du mot et le socle commun des mots étant la désignation et l’identification du sens, nous pouvons affirmer que l’œuvre reproduit ce qui rend l’Être remarquable.

 

B. L’être humain est le seul qui transmette les connaissances acquises tout au long de son existence, par des procédés scolastiques mais il n’est pas le seul à développer un langage propre à ses expérimentations. Il dépasse la première période mimétique de l’apprentissage et de la transmission des acquisitions comportementales inhérentes aux espèces animales et aquatiques6. Il peut non seulement s’égaler – ce qui caractérise également l’animal -, mais aussi dépasser et « gérer » sa « déconstruction », en devenant remarquable à travers la prise de conscience de sa créativité. A ce niveau, il agit en « miroir de soi ». Pour l’Homme, l’Art représente ainsi, la « déconstruction » de « sa » mémoire artisanale créative, donc « l’erreur dans l’évidence» qui mène à l’abstraction.

Le résultat de sa créativité se traduit dans le comportemental menant à l’objet, à l’ouvrage, en tant que représentation de l’action et à l’œuvre qui redevient l’objet de l’abstraction par laquelle se singularise l’expression de sa conscience. L’œuvre développe la matérialisation du pouvoir d’aller « au-delà » du visible, comme par exemple le rapport harmonique et symphonique (de sinfonia) entre les sons préexistants en tant qu’entités constitutives des musiques « inventées ».

 

 

 

II. Le sensoriel : Images, imaginaires et mémoire.

 

Le monolithe cérébral, ses « pôles » constituant le réseau sensoriel et ses ramifications, permettent la configuration de l’imaginaire et les différents types de visions qui engendrent les sensations. Rappelons ce qui a été déjà évoqué, c’est à dire plusieurs aspects de ce que représente la sensation productive de visions, notamment la constitution « volumétrique » en profondeur d’une cartographie qui ressemble à une ruche d’abeille, selon l’homogénéité et la cohérence entre la géométrie des cellules et leur « résonance » les unes envers les autres.

Au sujet de la sensation7, il existe ainsi une différence d’interprétation qui mérite d’être mise en évidence. La grande majorité des recherches scientifiques traitent le sujet à partir de l’appareil oculomoteur et de l’ensemble du système fonctionnel neuro-visuel, autrement dit selon une « normalité » anatomique, hors de ce que nous considérerions comme un handicap.

Dans la « normalité » conventionnelle, par exemple le cortex frontal, l’hypothalamus etc., guident nos modes comportementaux a priori, alors qu’a posteriori le fonctionnement cérébral anticipe sur les processus post perceptifs sensibles de par la cartographie neuro-axionale et leurs trajectoires spécifiques codifiées. Les résultats se traduisent partiellement par le traitement fonctionnel des rapports quantitatifs, spécifiques aux configurations anatomiques, souvent reproduit dans l’art imagé ou, ce que j’appelle art des postures. A la différence de la sensation intuitive, le double sens de l’interactivité se déroule de « l’extérieur » (l’environnement en tant que « support » de projection) et de « l’intérieur » (signifiant « l’Âme ») réactif « pneuma »8.

Concernant notre sujet du « miroir », nous pouvons classer cette ramification synchronisée lors de sa distribution à l’adresse du cérébral, en deux grandes types de communication - caractéristiques des capacités mnésiques9de chaque secteur neuronal et axiomatique: la mémoire passive et la mémoire réactive. L’exemple qui suit repose sur le processus qui relie ce qui est du passif et de la réactivité, dans le cas où l’action est menée par la vision oculaire. En portant le même regard dans un miroir, je me vois selon ma capacité oculaire en surface bidimensionnelle - puis par construction - tridimensionnelle et j’adapte constamment ma vision afin de compléter le volume en ajoutant trois autres miroirs, en arrière et latéralement de mon corps. Mon appareil oculomoteur transmet au cerveau plusieurs images successives lui permettant de fabriquer « artificiellement », par un effort, un ensemble cohérent en « collant » les fragments. Passer d’un fragment à un autre, forme la conscience à travers la mémorisation d’images successives. Je fais donc un effort, pour exister en entier à travers une vision de l’ensemble du corps, réunissant ce qui est dans le champs de ma vision complétée par ce qui est « secondaire » et modifié par l’image mémorisée. Je découvre un corps que je m’attribue et qui me donne une identité matérielle mais « ailleurs ». L’exemple montre une approche intentionnelle puisque mon attention (concentration) se traduit par l’effort de percevoir en consacrant le temps nécessaire pour me « constituer » visuellement; dans un autre cas, lorsque je suis confronté à ce type de disposition des miroirs et je suis en mouvement, le rapport visuel est épisodique, c’est à dire que je vais constituer de manière mnésique ce que j’ai perçu, autrement dit « moi ». Je vais procéder de la même manière qu’en regardant un film ou écouter une musique. Si ce rapport est unique, alors c’est l’intensité des sensations qui demeurera au même titre que la notion d’effort, alors que s’il s’agit d’une perception renouvelée, je vais assimiler également des éléments secondaire tout en déconstruisant les premiers. Sans aller plus loin, rappelons à ce sujet l’importance de la thèse Lacanienne du « miroir » qui fabrique le « je », dès la petite enfance et qui constitue une des bases fondamentales de la construction psychoaffective de la perception.

 

Une autre caractéristique des systèmes perceptifs est la chaîne de codifications qui aboutit à une sorte de « captation » qui géométrise et quantifie par des variables les stimuli extérieurs - ou de « l’intérieur », comme entre autres sensations celle de la douleur dans certaines pathologies. Les données sont simultanément assignées aux différents « tiroirs », parmi lesquelles, une première « mémoire directe » induite aux fonctionnement électrique des réseaux neuronaux, puis réparties de manière sectorisée et « poly-modale » à un ou des neurones ou groupes neuronaux sectorisées. Leur réactivité « mécanique » se transpose ainsi dans le visible comportemental dont l’origine réside dans un ensemble, que je nommerai la mémoire créative.

En parcourant le chemin inverse, sur le plan fonctionnel, cela se traduit par le fait que chacun de ces circuits apparaît impliqué dans une transformation sensori-motrice particulière, autrement dit, dans la « traduction » particulière d’une description du stimulus en termes sensoriels en une description en termes moteurs10. Par conséquent cette « motricité » suscite la créativité dont les sources mnésiques proviennent des zones de mémoires passive et réactive, mentionnées auparavant11.

Afin de mieux comprendre le sens de notre exposé, il est important, tel que nous le ferons tout au long de cet article sans trop nous éloigner de la philosophie, d’entrer concrètement et brièvement dans ce monde complexe du cerveau en apportant quelques précisions. En 2008 des groupes de recherche américano-suisse, ont établi une première carte du système de communication cérébrale – neuronale12et du cortex13. Les techniques DSI (Diffusion Spectrum Imaging) et plus récente DTI (Diffusion Tensor Imaging) sont à la base de cette visualisation globale, en commençant par le cerveau de la souris14. Lorsqu’on parle des fonctions neuronales, celles-ci sont fondées sur un ensemble de données que nous pourrions déterminer littéralement (en résumant de manière vulgarisée) par la communication – les axones – et l’expression – les neurones. En romançant les définitions scientifiques par la poétique des couleurs, les deux composantes sont baignées entre autres par les cellules gliales et lorsque des humains regardent la matière grise, telle un dessein auquel le peintre attribue une coloration, elle se différencie de la matière blanche par la coloration que lui donne la myéline. La question qui se pose dans ce cas concerne l’existence d’un « peintre » de la nature au même titre du « sculpteur », que « l’ingénieur » et l’artisan des cellules etc... Les deux « supports » précités et le réseau des dendrites, forment ainsi l’articulation d’échanges extrêmement complexes qui se répartissent sur l’ensemble du corps. Le cerveau utilise ces « lieutenants » pour être informé mais gère également à posteriori des réactions de ces bases qui possèdent une certaine « autonomie » pour réguler les perturbations. A cela s’ajoute par exemple, des apports chimiques des neurotransmetteurs, des peptides etc.., qui quantitativement déterminent la qualité de la représentation et révèlent « l’humeur de  soi » au monde du visible.

Ce survol rapide souligne plusieurs fonctions qui nous intéressent, notamment la communication (organisation) et l’expression (mouvement) de l’image et de l’imaginaire, qui sont fondées sur ce que nous pouvons appeler rencontre. Dans le domaine de l’art, qu’il soit pictural, musical ou toute autre architecture de la pensée, cette rencontre permet de situer l’intensité à partir de laquelle notre réactivité devient expressive en transitant par la communication.

Cela conforte l’idée que pour tout élément cellulaire (donc organisé) de l’Être dit vivant, il s’agit de dévoiler en permanence des données identitaires ouvrant les voies de la communication ; ce qui relève essentiellement de la mécanicité du mouvement et non pas d’une quelconque définition de trajectoire a priori. Cette phase d’expérimentation des différentes possibilités de « rencontres » correspond à l’intégrité du comportement cellulaire. Il est induit aux mouvements « constructifs ». Toutefois, la seule limite de ces « mouvements évolutifs» est formulée par le rapport volumétrique entre l’espace et la surface. Celui-ci détermine les qualités de tous les paramètres représentant les valeurs et la permanence des éléments d’évolution internes au corps et traduit en gestuel désignant l’objet.

En transposant cela à l’ensemble du « vivant », les fondements dialectiques de la constitution a posteriori de « corps complexes» communicants, qu’engendrent des Êtres pourvus de langages, révèle en expression philosophique humaine, les notions d’interactivité, de déterminisme et d’indéterminisme. Autrement dit, le mouvement est signifiant de l’action par le biais des stimuli intérieurs et extérieurs.

 

Tel que nous l’avons précisé auparavant, c’est à travers l’analyse cognitive que je vais essayer d’expliquer comment « l’image » devient aujourd’hui la source d’un bien-être ou mal-être politique, interprété par et lors du jugement esthétique.

 

Pour continuer cette interrogation sur la « nature » de l’homme créatif, osons une nouvelle hypothèse :

 

Si j’étais seulement une « chose » animée, je n’aspirerais jamais à comprendre pour devenir un Etre Humain qui de par sa visibilité, crée son Histoire, l’acquiert, la perçoit et se situe au pluriel de sa conscience. D’ailleurs, je n’aurais jamais conscience que je suis une œuvre à la fois théâtrale, cinématographique, sonore d’une curieuse « rencontre» entre des éléments chimiques, gazeux et rayonnants primaires, provenant de corps inertes extérieurs et développés ou en cours de développement grâce à leur potentiel de mouvement15.

Les trajectoires complexes de ces éléments en mouvement devaient un jour se croiser pour « communiquer », puis s’imiter16, s’unifier et se répliquer, s’affronter, s’opposer pour se protéger, trouver la complémentarité de leurs identités et leurs fonctions déterminées ou indéterminées, vivre pour se développer selon des limites prédéfinies ou se transformer pour se re-déterminer, survivre, « mourir » en redevenant invisible au « moi-même », constater l’imaginaire en absence même de la « lumière », se transformant en éléments composites à la recherche des fonctionnalités et suivant le potentiel de la modification des « corps », revivre « ailleurs », au-delà de « ma » conscience immédiate, celle d’Etre présent. En bref : un « univers » dans lequel la politique de la gestion psychoaffective de ma personne en tant qu’entité, signifie déjà « l’image » animée17, visible ou invisible d’une sensation de mouvement des contraires, passé – présentfutur.

Par transposition dans le domaine Politique de la Cité, je retrouve mon identité fondée sur la « mémoire » physique représentée progressivement, édifiée progressivement et à partir de laquelle se décantent les « figures » soumises à mon entendement et constitutives de mes comportements communicants.

 

Au regard de la poïétique ou imaginant la présence des « autres » qui m’entourent et qui justifient mon identité génétique, je vais citer Voltaire18: nous cherchons de démêler comment naquirent les principales opinions (selon l’étymologie grecque) qui unirent des sociétés, qui ensuite les divisèrent, qui en armèrent plusieurs les unes contre les autres ; nous cherchâmes toutes ces origines dans la nature, elles ne pouvaient être ailleurs.19

 

Je me permets d’ajouter « elles ne pouvaient être ailleurs qu’en « moi », dans ma constitution chimique, organique, fonctionnelle, physiologique et sensorielle. Cette unicité du « moi  réactif », donne lieu à la diversité lorsque je me place « ailleurs, en face de moi » et je perçois ; car percevoir est induit à mon corps, usant de tous mes systèmes constitutifs, afin de me situer à travers l’existence des semblables. Mais comprendre m’est vital, signifiant des capacités mnésiques et de leurs potentialités.

Octavio Paz écrivait à ce sujet , ..La memoria no es lo que recordamos, sino lo que nos recuerda. La memoria es un presente que nunca acaba de pasar.

Avec clarté, nous dirions que je suis constitué par le sens des mouvements, j’ai « naturellement » le potentiel de comprendre et pour cela je m’inscris sur le chemin menant à « l’invention » des moyens et au-delà, à la « création » sous toutes ses formes, faisant usage de figures que ma conscience associe à celles de mon inconscient. L’important ce n’est pas d’écrire (puisque nous sommes « écrits ») mais de comprendre, disait le philosophe peu connu du nom d’Alexandre Dragomir.

Ainsi, « je » parcours inlassablement le chemin entre « l’invention » des moyens et la « création » sous toutes ses formes, usant des éléments de ma conscience associant ceux de mon inconscient. Mes neurones miroirs20sont là en partie, pour m’assurer de la possibilité et le choix de « matérialiser », d’assumer ou pas, l’action de mon imaginaire – engendré par les capacités mnésiques – et de synthétiser les phénomènes physiques et les langages codifiés en images « claires ». Mes « inventions » technologiques et leurs supports, m’ont permis non seulement de posséder une multitude de possibilités de me « voir », mais aussi de stigmatiser le fonctionnement de ma mémoire. Par exemple, ces mêmes « neurones miroirs » me permettent d’apprendre par imitation, ce que précise le chercheur Marc Jeannerod, dans un article consacré à l’analyse de l’imagination motrice21 : Que l’on pense, par exemple à un élève qui, immobile, observe son professeur exécuter au violon un passage compliqué, en sachant qu’ensuite il devra l’exécuter à son tour. Afin de reproduire les mouvements rapides des mains et des doigts du professeur, l’élève doit pouvoir s’en former une image motrice. Or, selon Marc Jeannerod, les neurones responsables de la production de ces images motrices seraient les mêmes que ceux qui s’activent durant la planification et la préparation de l’élève de sa propre exécution. En d’autres termes, l’activation des neurones miroirs engendrerait une « représentation motrice interne » de l’acte observé, dont dépendrait la possibilité d’apprendre par imitation.22

 

Ouvrant l’enveloppe du « moi », j’ai traversé le miroir pour me retrouver en « face de moi », devenant ma propre reproduction « virtuelle » et matérialisée ; j’ai étendu mon pouvoir et le ressentir, donner vie intelligente à des « objets » jusqu’en recréant mes propres organes. Le chemin parcouru débute de manière réactive, puis projective, élargissant l’espace de l’imaginaire, et selon un parcours pyramidal correspondant à ma propre constitution. J’ai commencé de « l’extérieur », auquel j’ai attribué une visibilité d’apparence, qui me permit de réagir, donc de m’observer, de percevoir les mouvements à partir d’un corps unique, d’une entité ; puis je me suis décodé fragment par fragment, système par système etc… Tout cela commençant toujours par la pratique de différents types de langages post-réactifs, signifiant les caractéristiques et spécificités des mouvements constitutifs de la géométrie de l’imaginaire23. Nous pourrions dire que la codification est le fondement de ces langages dont l’imaginaire est l’abstraction au système. Dialectiquement cela détermine ce que nous appelons l’Ecriture et accentue la différence avec la « notation ». Dans ce sens, ce rapport dialectique assure « l’équilibrage » des degrés de l’imaginaire, dont les limites se situent dans le rapport entre la « normalité » et « l’anormal », que nous définissons par le mot folie ou alors que nous classons comme pathologie lorsqu’il porte atteinte à « soi » et à autrui.

Par ailleurs et souvent, c’est par autrui qu’on juge le degré d’une pathologie comportementale de « soi ». L’imaginaire est aussi toute chose qui ne pouvait trouver un sens signifiant matérialisable sous une quelconque forme, et qui demeure à chaque fois « l’absolu » vital de par la complexité fonctionnelle. Autrement dit, à chaque fois que je suis revenu sur « Moi », c’est part un processus « cinétographique » préexistant dans la « mémoire » et aboutissant à une sorte d’Image synthétique du langage représentant la créativité.

 

 

4. L’Homme créatif et sa nature.

 

Lorsque en 1997, nous avons évoqué avec le Professeur et grande amie, Ana-Maria Leyra, la nécessité de poser les bases universitaires de la recherche au sujet de l’Ecriture et de l’Image sous le nom du programme, l’Europe de l’Ecriture et de l’Image, la question fondamentale était et demeure en ce qui me concerne, de poursuivre la thématique des grands travaux entre le Professeur neurologue John Eccles et le philosophe Karl Popper, au sujet de l’Homme créatif. A ce titre, je vous propose d’attribuer le sens du mot « créatif », à la quête de l’être humain (ce qui lui est vitale puisqu’elle le constitue physiologiquement) et son action singulière qu’il doit affirmer ; action perçue et entendue par les autres vertébrés.

Pour obtenir la « reconnaissance » de « sa propre existence » dans un environnement donnés, il doit « intégrer » et surtout provoquer des modes comportementaux similaires, mais aussi correspondre à des critères « naturels » similaires. L’Homme doit modéliser - contrepouvoir conséquent du pouvoir singulier d’Etre. Cela implique qu’il doit être inventif, ou qu’il puisse identifier – par opposition aux modes du fonctionnements mimétiques - et réaliser ponctuellement la correspondance entre les propriétés réactives de son imaginaire et le fait d’assumer ses inventions.

En dressant une « pyramide » pour formaliser le raisonnement aristotélicien et le dualisme platonicien à travers le discours de Socrate, nous pouvons constater que ce qui définit l’organisme monocellulaire, correspond à Celui qui édifie ; un degré en dessous nous retrouvons l’artisan dont le rôle est d’user de la scission cellulaire pour fabriquer à partir d’un « mouvement réactif » qui ne lui appartient pas ; plus bas encore, s’active le peintre qui donne l’apparence du mouvement d’origine ; quant au poète qui se substitue à l’abstraction de Dieu (selon l’identification des judéo-chrétiens), il est refoulé de la Cité. L’interprétation de cette allusion à Socrate, dans le monde d’aujourd’hui exprime la saturation de l’espace de l’imaginaire du « peintre », qui revient inlassablement sur les fonctions de l’artisan, à la recherche du jugement esthétique, jusqu’à prendre l’identité suprême. Sa volonté ne peut que réagir dans un système de valeur et son mal-être résulte de cette contradiction, car l’espace complémentaire de l’imaginaire - submergé par les données du système - ne peut trouver sa complémentarité que dans le « miroir » de sa conscience.

Les connaissances historiques, l’historicité des connaissances acquises aujourd’hui par l’éducation, ne sont plus complémentaires des moyens d’information. A cela s’ajoutent les « messages » codifiés qui stimulent ou emplissent en permanence l’espace d’évolution.

Entre les comportements sociaux communautaires dans la Cité et la créativité de l’être humain, se développe ainsi un rapport de force dont l’œuvre dite artistique se différencie en permanence du sens du mot œuvrer ; l’action représente ainsi le mouvement inaltérable d’un système et la créativité l’abstraction du mouvement lors de sa projection dans un espace fictif.

 

Rappelons brièvement que « l’invisible », la « créativité » de l’homme en particulier, se présente comme une progression du potentiel de la volonté, à partir de l’état primaire commun à toute espèce. Celui-ci - chimique, électrique et rayonnant - se fonde sur une codification spécifique et quantitative très complexe, jusqu’à la complexité des différents types de communications, puis à l’identification et la mécanicité des supports neuronaux actifs (« miroirs », bi-modaux et tri modaux) représentatifs des différentes zones mémoires spécialisées, engendrant à leur tour des « langages » extériorisés qu’ils développeront tout au long de l’existence. Ainsi l’Homme ne peut être créatif qu’au-delà de lui-même.

Par conséquent, beaucoup plus loin dans le processus de développement, apprendre à « fonctionner » dans l’environnement de ses semblables (ceux d’une même espèce), représente la politique et la gestion de soi dont la plupart des fonctions et des « réalités » imaginées et perçues se retrouvent reproduites et rendues visibles par ce que nous appelons « cultures ».

Il faut comprendre par le mot développement, un processus fluctuant du point de vue des valeurs historiques, et paradoxalement interprété et reconnu de manière universelle.

A titre d’exemple, une succession d’images ne peut être qu’un développement constant de quelque chose, perçue et synthétisée a posteriori par la conscience (politique) et déterminée sur une échelle de valeurs selon l’entendement général (interprétation esthétique).

 

Partant de la créativité primaire fondée sur l’acquisition d’automatismes, celle qui permet d’exister et qui se manifeste dès la naissance (après une première vie aquatique en ce qui concerne les mammifères mais également toutes les espèces qui naissent associées à la présence de l’eau), et jusqu’à l’aboutissement technologique d’aujourd’hui, la politique de cette évolution naturelle, est de « voir » en matérialisant l’existant afin de le montrer. A ce sujet, précisons l’importance des matière organique formées de substances fabriquées par les êtres vivants, riches en atomes de carbone, hydrogène, oxygène et azote. Par exemple, les glucides, protides et lipides sont des substances caractéristiques de la matière organique. Toutefois, une cellule de carbone ne peut être qu’un élément dont la trajectoire peut ou non croiser celle des autres éléments. A elle toute seule, elle ne peut constituer un corps vivant, alors qu’en soi, elle est un élément vivant. Il faudra aboutir à l’homéostasie afin d’obtenir l’équilibre dynamique qui nous maintient en vie

 

Prenons un autre exemple : la créativité du mouvement primaire entre un liquide et un gaz ne produit pas forcement la « vie » telle que nous l’imaginons à travers un « corps » visible et normalisé. Cela ne produit pas non plus une culture, malgré l’échange des codifications moléculaires mais peut constituer l’iconographie d’un phénomène extérieur signifiant une valeur déterminée.

Un corps humain constituer, ne peut être que ce que sa constitution le permet ; sauf lorsque son réseau sensoriel associé au système neuronal, dont le développement se fonde sur des capacités mnésiques, lui permettent de dépasser la mécanicité du fonctionnement vital.

L’artisan exprime sa créativité et « engendre » l’action du peintre. Il s’oppose ainsi à la « nature », par l’imaginaire et la culture.

 

 

5. De la « cellule » à la pluriculturalité

 

 

Depuis les premiers grands « voyageurs » telle Lucie, l’association entre l’exploration et les moyens politiques et économiques, caractérise l’Etre Humain. Grâce à cet « alliage » entre la quête de connaissance et le développement industriel des moyens de communications – souvent non synchronisé aux développements culturels et sociaux dans le monde mais imposé -, celui-ci vit aujourd’hui dans une réalité pluriculturelle.

Le terme de « mondialisation », très à la mode et utilisé dans tous les cas de figures de « crise progressiste », montre également l’acquisition de cette conscience formée, profilée par « l’image d’un réel répliqué» à partir de l’information et qui demeure dans le vraisemblable puisque à la fois, « l’image » stigmatise et fixe les cultures, contracte les espaces, les rend linéaires, et fragmente les données temporelles (historiques). Paradoxalement, ce phénomène nous ramène dans le domaine stylistique et formel au retour des « limites » de la « scène théâtrale » par opposition à l’espace de la Cité – devenu l’espace identitaire circonscrit à partir duquel se manifeste l’imaginaire de l’individu. Du point de vue humain, l’image devient ainsi l’élément de référence « universelle », sauf pour la culture qu’elle représente et pour laquelle elle devient une propagande. Cette référence est destructrice de l’Histoire et de l’esprit de conservation spécifiques aux cultures ancestrales, puisqu’elle les résume afin de permettre d’une part l’entendement immédiat et d’autre part de susciter la vraisemblance du ressenti en absence du vécu – hors toute expérimentation et acquisition progressive d’éléments identitaires fondamentaux de la mémoire de l’évolution historique présentée comme « morte ».

Ces « nouvelles Images politiques » de nous-mêmes à la différence des autres, qui nous différencient à travers une multitude de critères de langages, iconographiques et politiques, constituent une « mémoire » fragmentée de l’Histoire humaine, laissant à « l’imaginaire » ce qui constituera a posteriori notre réactivité, « ailleurs » dans le vraisemblable. Elle ne peut être une vérité mais qu’une appréciation esthétique que je lui attribue à un moment donné où convergent des paramètres complexes et relationnel entre « moi » et l’extérieur (lieu, luminosité, etc…).

Dans ce sens, tous les critères de différence et d’homogénéisation qui ont permis cette conscience et qui engageront nos réactions a posteriori, proviennent de la gestion du rapport entre la formation de « soi » (l’écriture) et la définition humaniste du mot politique de notre vision culturelle (notations) confrontée à la macro-perception stimulant l’imaginaire.

 

Rappelons que cette « macro-perception » s’est essentiellement développée par la facilité de la mobilité géographique et en rapport avec la réduction progressive des durées du parcours. Celui-ci modifie « l’horloge » biologique, laquelle mesure la notion espace-temps, constituant ainsi le rapport d’intelligence entre le réel issu de notre imaginaire et la matérialisation par la vision.

 

Revenons un instant à la citation de Voltaire. Celle-ci s’adresse à l’Homme socialisé, qui s’interroge sur l’origine de ses comportements et qui aujourd’hui se retrouve entre autres questionnements, confronté à la politique de l’Image en tant qu’écriture et souvent transformée en œuvre d’art, ce qui le rend paradoxalement à la fois universel dans son rapport paradoxal avec la nature, et identifiable à travers le fondement des langages qu’il « invente » a posteriori en reproduisant progressivement ce qu’il EST.

L’Homme se redéfini continuellement en rapport avec l’essence même de cette monade dont il est issu. A travers la surface visible et en apparence fragmentée géographiquement, les êtres humains se différencient entre eux volontairement en créant leurs traditions culturelles à partir d’éléments spécifiques aux capacités « fonctionnelles » du système sensoriel.  Cela attribue à l’Art la consistance de ses représentations, lorsqu’on dépasse le niveau de l’artisan en s’appropriant celui du créateur. Ce point a une grande importance lorsqu’on tente de définir l’Etre humain comme créatif. Dans ce sens la « normalité » du fonctionnel sensoriel, tel que nous l’apprenons pour admettre qu’il existe des différences pathologiques, ne permet pas de porter une analyse objective dans le domaine artistique, mais représente les contraintes déterministes dont le mot « politique » signifie la régulation des rapports de force entre l’imaginaire menant à la création et ses orientations en ensembles socialisés.

Nous allons prendre très brièvement, deux exemples de pathologies spécifiques à cet aspect des choses, afin d’exprimer le fait de l’œuvre réalisée par l’homme créatif, en tant qu’abstraction de la nature et surtout comme représentation conflictuelle entre l’appropriation du pouvoir du « créateur » parcourant le chemin qui le sépare de l’artisan au peintre – magistral exemple de Socrate. Par ailleurs, l’acquisition du pouvoir issu de la conscience créative de l’être humain – face à la mécanicité reproductive - inspira (même aujourd’hui à travers le discours du Pape Benoît XVI) beaucoup de textes institutionnalisés par les pouvoirs religieux et fondés sur la peur de perdre le pouvoir du savoir et des connaissances. N’oublions pas que les grands chercheurs de l’Antiquité, tel Nemesius24, proposaient des approches où « l’énigme » du ou des Créateur(s), demeurait surnaturelle pour les mortels. Les faits scientifiques étaient interprétables dans les limites de la « foi » et le secret des connaissances pour ceux qui bénéficiaient de la grâce divine.

Sans nous égarer trop dans les méandres politiques de la Cité, commençons par l’exemple qui souvent constitue un référentiel de la normalité visuelle25, ce qui est considérer communément le « handicap du peintre », c’est à dire la cécité. Cet « handicap » d’un artiste peintre, est très complexe puisqu’il peut être génétique ou pathologique, et aussi puisqu’il existe une grande diversité des degrés du dysfonctionnement visuel. Nous allons prendre le « cas » de celui qui ne possède aucune « mémoire visuelle », c’est à dire, aveugle de naissance. Etre aveugle et peindre est en apparence un oxymore du langage courant. Les « raisons » du vraisemblable s’adressent entre autre à la notion de surface dédiée à l’œuvre, de couleur et surtout d’un sujet reproductible en absence de vision. Logiquement, pour un aveugle qui peindrait, cela impliquerait des moyens techniques ou humains extérieurs, afin d’évaluer ces quelques paramètres classiques. Mais est-ce que la notation d’une image répliquée relève de l’écriture, autrement dit de l’Art de présenter le « contenu » imaginé par l’ensemble des fonctions de l’Imaginaire ? Sans aucune référence à l’interprétation religieuse, nous répondrons oui, en omettant que l’Ame n’est pas une notation mais surtout ce qui permet d’inventer des notations. Alors qu’un créateur qui ne « voit » pas grâce à son système oculaire, peut « voir» grâce à son imaginaire dont les moyens (modus) sont ceux des autres systèmes sensoriels qui produisent l’image de l’expression26.

Le résultat de son œuvre, l’écriture sensible par laquelle il essayera d’exprimer son ressenti, ne sera pas intelligible dans l’immédiateté car elle représentera la déformation pour ne pas dire « l’erreur » qui rend l’œuvre inclassable esthétiquement sans préciser qu’elle fut réalisée par un « aveugle ». Un des constats possibles est que l’œuvre de l’homme créatif n’est pas destinée à être comprise, mais ressentie dans un rapport aux autres, à l’intérieur d’espaces-temps et non pas dans l’immédiateté du contexte de désinence des langages. Dans le cas contraire, le résultat devient usuel, autrement dit un usage particulier qui doit s’insérer dans un contexte forcement socialisé et normalisé – à l’image de la mécanisation de l’édition qui formate le livre destiné à l’usage de la lecture.

Un autre exemple est celui de l’instrumentiste ou compositeur sourd. Encore un oxymore en apparence. L’activité créatrice de cet artiste atteint de surdité paraît plus aisée que celle de celui atteint de cécité. Mais paradoxalement, le fait de voir n’est pas une condition fondamentale à l’homme créatif.

Pour le compositeur, cela peut même devenir un handicap stylistique supplémentaire, car il sera capable d’enregistrer par la vision, la mécanicité, l’historicité typographique et beaucoup d’autres paramètres physiques, spatio-temporels27etc., qui le placeront dans une situation de facilité par rapport à l’esthétique intelligible et classable dans le domaine de la vision normalisée et socialisée ; autrement dit dans les limites d’une subjectivité fondamentale à partir de laquelle il aura le choix entre le conceptuel esthétique ou l’expérimentation à partir du conceptuel redéfinissant des paramètres esthétiques. Il aura de multiples choix et la spontanéité de son art sera le questionnement du célèbre Beethoven. A ce sujet, le génie du compositeur allemand montre de par la signification même du mot génie, que l’œuvre d’art est une « fabrication » créative usant des moyens de la nature et non pas la nature elle-même. Quant à l’interprète instrumentiste ou chanteur, il concentrera son attention sur « le toucher » ou le contrôle imaginaire de l’émission vocale, afin d’obtenir un résultat qui est hors sa capacité d’entendre. Donc le « jeu » sera déterminé par l’imaginaire, puisque le résultat sonore se traduira dans l’abstraction par projection d’un ressenti

spécifique à soi prenant en compte les aspects vibratoires et les paramètres physiques des sons de manière intuitive et projective.

En ce qui concerne l’identification par la parole de l’image d’un objet perçu, citons le cas de M. Z.28, afin de montrer que des dysfonctionnements des transmissions relais entre différentes zones cérébrales, produisent des incohérences dans le signifiant mais pas dans l’identification de l’usage d’un objet.

Lorsque on a demandé à M.Z. de nommer des objets comme une brosse à dents, une fourchette, une pipe, un peigne, etc., il a invariablement répondu « un thermomètre ». Pourtant M. Z. se saisissait de la fourchette pour manger, du pinceau pour peindre, de la salière pour saler sa soupe, de la pipe pour fumer…

M. Z. était aussi incapable de lire suite à un accident vasculaire provoqué par un caillot formé dans son artère cérébrale postérieure gauche et qui avait définitivement lésé cette région. Malgré cela, il articulait et parlait correctement ; il savait épeler les lettres d’un mot, comprenait ce qu’on lui disait, mais ne nommait pas correctement les objets. Il ne présentait donc pas un cas classique d’aphasie, marqué par l’impossibilité de s’exprimer oralement et déjà étudié par Paul Broca, neurologue à la Pitié, à la fin du XIXe siècle. M. Z. avait gardé intact son « centre du langage articulé », mais il ne pouvait nommer correctement ce qu’il voyait en raison d’une lésion partielle de la zone visuelle. La reconnaissance des visages, des lettres, des mots met en relation des zones plus spécifiques de la pensée avec celle où se constitue l’image, c’est à dire la perception de la « forme » d’un objet dont le mot est évoqué en pensée. Depuis son accident cérébral, M. Z. était devenu alexique : il avait perdu la capacité de lire. Cependant il pouvait écrire. Cette " alexie sans agraphie " avait aussi été étudiée, dès 1892, par Jules Déjerine, médecin à Bicêtre qui n’avait pu en expliquer la cause. Après examen clinique, l’explication de l’affection de M. Z, tient à la destruction des zones cérébrales gauches de reconnaissance des mots et des objets. La lecture demandant une collaboration étroite entre les systèmes de la vue et de la parole, M. Z. ne pouvait plus lire. Un problème que l’on retrouve dans la dyslexie, laquelle correspond à un léger dysfonctionnement des systèmes visuels ou auditifs.

L’hémisphère gauche de M. Z. ne reconnaissait donc plus les objets, mais il les utilisait néanmoins correctement - fourchette, pinceau ou pipe, grâce à une reconnaissance implicite effectuée dans l’hémisphère droit mais ne pouvant être formulée : cet hémisphère étant dépourvu de « centre du langage ». D’une manière plus générale, l’incapacité de nommer un objet peut procéder d’autres causes. Par exemple, la mémoire du sujet peut (temporairement ou définitivement) ne plus retrouver un mot dans son lexique. Ou bien le patient ne peut plus mettre un nom, un sens sur ce qu’il voit : perte du sens des mots appelé « démence sémantique ». Ou bien, et c’est encore le cas de M. Z, le sujet donne le même nom à des objets différents, ce que nous appelons « persévération » et qui s’expliquent – selon un modèle électrique - par un phénomène de déconnexion entre deux étapes successives du processus cérébral.29

 

Dans ce dernier cas clinique, l’Image perçue n’est qu’une référence de la qualité de l’objet qui est désigné par l’imaginaire. L’image perçue devient secondaire aux fonctionnalités de l’objet. Autrement dit, l’imaginaire peut se construire par le toucher, ou par la description faite par un tiers.

Lorsqu’il s’agit d’Art, c’est en quelque sorte toute l’ambiguïté qui réside entre l’image résultant des fonctionnalités directes de l’être humain et la photographie qui transite par un appareil imitant les fonctions visuelles. Reflets d’un certain transfert du verbe (logos) à l’œuvre.

Par conséquence, comme l’imaginaire qui possède son support et sa matérialité mnésique invisible (de l’infiniment petit), l’image également résulte de la stigmatisation quantifiable par une sorte de « résumé mnésique ». Affirmons ainsi qu’à la différence de l’expression sensible (créative), la matérialité de l’image représente la codification préétablie des moyens qui oriente vers différents types de communication : signalétique, directive, informative, déformante, subliminale par déconstruction, par fragmentation et recomposition dans les consciences. Tout cela se décline par le comportemental individuel et celui des sociétés, accentuant les différences dans le « monde contemporain », montrant avec clarté la simultanéité des « résistances » selon l’époque et l’environnement que ces diverses sociétés vivent et conçoivent au présent.

 

Mais comment ces « images » acquièrent-elles les qualités expressives et poétiques qui déclassent souvent les langages et les syntaxes phonétiques donnant lieu ainsi à des situations de crise ?

En quoi et surtout comment le « tronc commun » spécifique à chacune des « natures » des Etres, se diversifie-t-il à partir du potentiel et des capacités qui lui sont propres ?

Que représente et comment se construit « l’image » de point de vue d’une philosophie des natures fondée sur l’Homme Créatif par « nature » ?

 

Petite anecdote : rappelons qu’au début, des « indiens » refusaient la photo, en prétextant que celle-ci volait le corps et l’esprit, alors que des occidentaux plébiscitaient cette nouvelle technique artistique qui permet de se voir mais aussi d’être vu.

Cette attitude de « peur » viscérale de la part de certaines « cultures », n’est pas qu’une interprétation formulée par la méconnaissance de l’objet de la « boîte noire », mais celle engendrée par une autre représentation de l’invisible sur des supports iconographiques « naturels » (bois, pierre, marbre, métaux). Toutefois, n’est-elle pas aussi l’expression poétique d’une certaine conception de la réalité ?

Le développement créatif de l’Homme, son imaginaire qu’il fabrique et le représente par nature, fonctionne en synchronie parallèle, puis comme nous l’avons évoqué, se différencie progressivement de la nature, car elle est exposée, montrée à soi comme une valeur de l’invisible fonctionnement ; autrement dit, en contrepartie de l’affirmation de Voltaire, les origines des choses de la nature n’existent que par opposition aux capacités de transformation de la nature de l’Etre humain.

L’Homme se représente progressivement et continuellement en ce qu’il est réellement ; il s’approche de son « contenu » pour le reproduire et « percevoir » et c’est cette démarche « créative », la traduction et la réalisation des concepts, qui deviennent l’expression poétique et non plus la communication. Le fondement de la démarche repose sur l’affirmation de « la propriété» induite à la singularité du pouvoir, et qui peut engendrer des manques lorsqu’il s’agit de limiter l’imaginaire. De nos jours, la majorité de ces « névroses de défense » provient de l’impossibilité de matérialiser l’ écriture de la communication directive ou expressive, remplacée de plus en plus par divers types « d’annotations », ou alors se transformant socialement dans un « domaine réservé » par différentes codifications. Ces « langages » résument par leur action signifiante et directive ; ils occupent et souvent remplacent le « discours », notamment la narration. Allons plus loin, en affirmant qu’associées au sons ou à la musique elles donnent un sens absolu. C’est un des premiers points essentiels de notre sujet, puisque cela traduit la fonction temporelle fragmentaire synthétisée de la perception que les êtres ont d’eux-mêmes et des autres, par nature.

Dans ce sens nous dirions que la notion de « vision » est représentée par le rapport entre la « comptabilité » de l’existant, de l’Espace- temps, et les potentialités spécifiques qui fixent les qualités permettant de définir des valeurs constructives « au devant de soi ».

Cette affirmation dialectique, permet de proposer que l’Homme est une « invention » synthétique inévitable et programmée par le fonctionnement de sa nature, et que cette opposition engendre ce que la « nature » ne possède pas : la vision d’elle-même – le « miroir ».

 

 

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29 décembre 2009 2 29 /12 /décembre /2009 21:01

 

Conférence Faculté de Philosophie à Madrid 2 Mars 2002

 

 

 

Défiguration du discours

Configuration de la mémoire: de l’artisanat technologique à l’expression sensible

 

 

 

Considérations générales

 

 

Espaces visibles et supposés existants.

Tel le « jeu des miroirs », la diminution par fragmentation d’une dimension produit des espaces corrélés par la mobilité d’éléments « primaires » qui s’ordonnent et se déterminent en fonction de dimensions devenues - par diminution – imaginables dans d’autres dimensions1. Dans le cas contraire (une dimension dite « ouverte »), la multiplication d’espaces appartenant à plusieurs dimensions, donne naissance à une nouvelle dimension d’une capacité différente – une macro dimension - supposée également existante au-delà de ses « limites » perceptibles. Ces mêmes éléments qui transitent d’un espace à l’autre, deviennent « visibles » dans leurs phases de transition vers « l’invisible » d’une autre dimension (inférieure ou supérieure), qui à son tour appartient au « visible » d’une nouvelle dimension. Cela sous-entend que ces éléments suivent de manière chaotique des trajectoires dont la particularité est celle de « fixer » et de rendre variables - de point de vue topo-métrique - des espaces formant des chaînes. Certains de ces espaces sont perçus par notre capacité d’entendement, c’est-à-dire ils sont analysables selon une perception élargie qu’engendrent des médiateurs entre l’imaginaire et sa matérialisation en corps différents de par leur aspect visible, devenant ainsi les preuves d’une « vérité » signifiante. De même, ces éléments primaires révèlent leurs identités dans nos dimensions car ils finissent par avoir des fonctions dans la constitution de « corps » complexes.

Leurs mouvements produisent des symétries à l’intérieur d’espaces qui définissent les limites de ces « dimensions » qui sont les nôtres. Cette symétrie des corps est un des aspects fondamentaux qui rend intelligible la signification des sens et permet le phénomène de réplication et par conséquent celui de la mémorisation.

 

Ainsi, chacune des dimensions possède des « limites » franchissables selon les niveaux de stabilités atteints par des « corps » constitués et supposés existants à l’intérieur d’espaces complexes, à leur tour des contenus et des contenants, dont la flexibilité suscite des mouvements perpétuels et des trajectoires reliant ces dimensions par les éléments existants et supposés existants à « l’infini ». L’ensemble de ces dimensions formerait ainsi un des « support » d’un autre ensemble cartographique à l’image de la construction neuronale décrite par le Pr. Edelman2.

Le potentiel fondamental de ces « corps » résultant d’une association d’éléments primaires, réside dans la capacité de constituer les codes permettant la communication sélective. Cela ne signifie pas qu’ils perdent leurs identités primaires, mais qu’ils « rédigent » leur « programme » de fonctionnement interne selon des codes spécifiques à leur nature et qu’ils « communiquent », comme c’est le cas de la cellule, avec les « corps étrangers ».

En règle générale, peut-on affirmer ainsi que toute « chose » primaire est destiné à changer de dimension lorsqu’elle épuise ces capacités acquises à l’intérieur du « corps » qu’elle a constitué en établissant une formulation sur-codifiée évoluée ? – autrement dit, l’absolu atteint de tout corps complexe constitué, est de se « décomposé » afin de pouvoir transiter d’une dimension à une autre, du « visible » au supposé existant.

Dans l’affirmative, nous pourrions dire que ce qui nous paraît présent dans un ensemble d’espaces appartenant à une dimension, est l’illusion de l’absence d’un corps en rapport avec un autre, c’est-à-dire, qu’à travers une écriture commune à deux corps de natures différentes possédant chacun un code spécifique – un « programme » fondamental – il s’engendre des sous-programmes d’évaluation suscitant ou non une évolution. Ces sous-programmes signifient un second pallier qu’identifie l’orientation prise par l’évolution des « corps » afin de définir un espace communicant commun et n’appartiennent à aucun d’eux. En transposant cela à nos propres « mesures » humaines – c’est-à-dire à une autre échelle – nous constatons que ce qui nous compose, développe des capacités induites que nous appelons origines et qui expriment une identité qui nous est trop « lointaine » pour être présente dans le conscient. De par cela nous aboutissons à des figures à travers les « rencontres » dans des espaces appartenant à différentes dimensions dont nous avons ou non, conscience, en classant souvent cela comme imaginaire.

Ainsi, toute notion de discours, de communication, d’expression, de langage, de représentation, etc…, devient une « révélation » de « soi » et de l’affirmation de l’absence et la justification des corps perçus au-delà de l’entendement.

 

2 – Aspects mnésiques.

 

Nous avons proposé, dans la première partie, le fait que l’Etre, soit le résultat d’éléments primaires qui « finissent » des trajectoires à travers des dimensions et se « fixent » en s’associant, à l’intérieur d’espaces en tant que corps. En cette raison, ils s’associent en expérimentant le possible de leur fonctionnement figuré au sens biophysique et chimique, dans une dimension à trois perspectives. Ces éléments se déterminent selon une hiérarchie fixant les priorités entre ce qui est vitale (le développement, le sensitif fonctionnel) et ce qui est expressif, c’est-à-dire sensitif et indéterminé.

A l’intérieur de ce « contenant » où se formalise l’écriture à travers des trajectoires chaotiques, celles-ci sont traduites a posteriori, en diverses notations qui rassemblent des signes (d’origines et natures différentes), ordonnés graphiquement et indiquant la corrélation entre les espaces d’une dimension à l’intérieur de laquelle s’ordonnent après apprentissage – entre « culture » et expérience - des sens différents selon les langages utilisés.

Dans le cas de l’homme après la formation fœtale, il change d’environnement à sa naissance et dans la première période, les premiers signes de communication sont exprimés par les fonctions naturelles produisant toutes sortes d’associations perceptives: celles fondamentales (en apparence « mécanique » car vitales, comme par exemple l’oxygénation et la gestion de la température, celles sensitives, qui mènent à son adaptation au nouveau milieu « gazeux » dont les manifestations sont par exemple: épidermique, auditives, olfactives, vocales et plus tardivement visuelles. Il s’agit dans ce cas précis non seulement d’adaptation, mais surtout d’une transition d’un espace à un autre qu’impose un développement rapide des capacités cognitives. Ce développement aboutit par mettre en relation des paramètres complexes, afin d’adapter à travers l’entendement ce qui deviendra sensible ; cet apprentissage se fonde sur la première forme de communication dont la configuration du discours associera et coordonnera les expressions (en tant que réactions) au gestuel et à la vocalité.

Par conséquent dans sa seconde période, celle de l’adaptation, il y a une démarche de codification menant plus tard à la notation coordonnée par l’apprentissage. Si la codification représente une nécessité, cela n’est pas le cas pour la notation qui est plus une qualité induite à l’imaginaire a posteriori de la codification. La notation, naîtra avec l’observation, l’expérimentation de la coordination et de la corrélation (cognition) entre le « corps » complexe et codifié constitué et sa capacité d’entendement du préexistant à travers l’abstraction de « soi ».

Autrement dit le développement de la mémoire affective n’est plus uniquement le lien chimique (hormonale) et gazeux entre la « génitrice » et « l’enfant », mais la relation sensitive liée au développement rapide des fonctions cognitives.

Par conséquent, nous pourrions dire que la corrélation des deux, «fixe » le corps dans trois dimensions traversant une chaîne d’espaces préexistant en tant que support d’une « écriture » destinée à être entendue et notifiée. Il y a prise de conscience lorsque au-delà de ce qui est fonctionnellement vitale, se développe l’imaginaire suite à l’observation et à l’apprentissage de l’existant.

Ce principe fondamental qu’exprime le mot « chaîne », signifie la manière dont l’ordre intérieur impose l’entendement de l’évolution d’un ordre extérieur. Cet ordre extérieur n’est pas celui du « sensible », mais celui à partir duquel l’Etre prend conscience de « soi » afin de développer ce qui est vraisemblable.

Dans ce sens, la conscience de « soi » mène à différents types de notations qui expriment dans leur ensemble, le contenant d’éléments communiquant de l’écriture. Celle-ci, se présente comme vérité fondamentale et subjective et à partir de l’imaginaire, prétend à la définition d’une dimension autre, d’espaces qu’appartiennent à « un 4ème Monde » et qui ne sont que supposés existants.

 

De cette « écriture » s’engendre le potentiel que possède chaque ensemble complexe de figures - afin de développer, étape par étape, à partir d’un premier niveau « visible » primaire (le corps) - les capacités de passer d’un espace environnementale spécifique à un autre espace d’une dimension supposée existante. L’aspect analysable in facto comme a posteriori de toute perception et observation, est celui du comportement et des trajectoires dues aux modifications biochimiques et biophysiques en fonction d’un environnement et des stimuli agissant sur « soi » et qui mènent entre autres, à la composition de ce qu'on appelle communément l’imagination (image associée à l’idée).

Toutefois, comme dirait le Pr. Vincens, spécialiste en neurosciences, «il serait absurde d’affirmer sa passion pour Chopin en traduisant cela en langage hormonal »3.

L’imagination devient ainsi à la fois, une source abstraite de déterminisme et un contenant réductible lors de diverses applications.

 

Sans vouloir nous égarer de notre sujet, ces quelques considérations proposent un « regard » plus élargi entre ce qui est notre entendement à partir de notre « être » constitué en tant qu’entité fonctionnelle et ce que représente notre « être » dans sa potentialité d’expression, dont la variabilité se fonde sur la spontanéité des comportements.

Il est évident qu’il ne s’agit pas de s’étendre hors du sujet proposé, mais il faut tenir compte du fait que nos comportements dans leurs diversités et leurs unicités (même dans le domaine du sensible), reconfigurent et répondent à des paramètres préétablis qui suivent des évolutions identiques mais appartenant à des espaces-temps dissociés.

Par conséquent, l’imagination s’exprime par le processus du « discours » dont les éléments s’associent, révèlent une finalité logique (dont nous verrons la définition plus loin), engendrant des pratiques de la communication ou alors, ils signifient des finalités possibles.

Ce phénomène d’assemblage d’éléments provenant de « l’invisible », est rendu intelligible sous différentes formes expressives du visible, c’est-à-dire ce qui est « lisible » et interprétable – ce qui retrouve de correspondances et des vraisemblances.

A ce niveau nous pourrions affirmer que ce qui est interprétable, déclenche une mémoire active et ce qui est défini comme tel, suscite la mémoire affective. La défiguration de l’image comme celle du discours, permet de revenir de manière déformée sur les trajectoires qu’empruntèrent ces éléments primaires afin de constituer des « figures » lisibles, configurant ainsi plusieurs réseaux de mémoires, résultats de multiples expérimentations.

Ces mémoires complémentaires entre elles, se concentrent dans un « noyau » de l’expression qui est « l’Âme »4. Elles donnent naissance à la « conscience » et son contraire dans une dimension supposée existante, le « sous-conscient ». Nous pouvons ainsi affirmer qu’en partant de nos gestes qui exécutent toutes sortes de notations, nous réagissons d’après des mémoires dont la constitution neurologique est semblable mais elles sont formées dans leurs singularités de fonctionnement suivant des quantifications biochimiques et neurologiques différentes d’un être à l’autre. Alors notre perception devient « commune » dans le sens d’une formation uniformisée mais la créativité est différente selon les capacités d’expérimentation de chacun dans un environnement spécifique.

Pour « éclairer » le lien avec le social pluri-culturel que nous aborderons brièvement plus loin, nous dirions que la diversité et les aspects conflictuels de certaines attitudes dites créatives, ne dépendent pas d’une incapacité mais d’un phénomène de résistance par négation ou réfutation qui relèvent du domaine de la formation culturelle et d’une mémoire affective puisque la mémoire active se retrouve réduite essentiellement au corps, à « soi » et à ses propres limites vitales.

Par conséquent l’Âme est celle qui régit aussi bien le « soma » de notre « Etre » que l’essence même de l’objet qui le représente et le justifie du point de vue de la « valeur » affective ; c’est-à-dire qu’elle suscite des représentations dans l’imaginaire de celui qui décide de réaliser.

 

 

Micromégas :

Puisque vous savez si bien ce qui est hors de vous, sans doute vous savez encore mieux ce qui est dedans. Dites-moi ce que c’est que votre âme, et comment vous formez vos idées.

 

Le vieux péripatéticien :

L’âme est une entéléchie et une raison par qui elle a la puissance d’être ce qu’elle est.

 

Le cartésien :

L’âme est un esprit pur, qui a reçu dans le ventre de sa mère toutes les idées métaphysiques, et qui, en sortant de là, est obligée d’aller à l’école, et d’apprendre tout de nouveau ce qu’elle a si bien su et qu’elle ne saura plus.

Voltaire, Micromégas

 

 

La nature végétale et minérale, peut-elle se prévaloir d’une « âme » de façon singulière ? Ou alors elle suscite un ensemble de visions qui produisent par entendement (humain et animal) ce qui apparaît dans son ensemble sensible voir vital aux êtres vivants – ceux qui sont dans un « mouvement » (voire action) d’une constante visibilité. Puisqu’un trait est un ensemble visible, l’absence du trait est une dimension invisible mais imaginable, calculable et supposée existante comme notation d’une vérité codifiée a priori - de l’écriture « d’ailleurs ». Le « silence » apparent de la nature, devient ainsi une dimension géométrisant l’âme selon ce qui est visible, mais au-delà de ce qui est « présent » il y a ce qui est perçu par les sens5, à travers le mouvement.

Nous évoluons ainsi dans ce qui est visible selon des paramètres d’un maillon d’espaces déterminés comme invisibles lorsqu’ils relient deux dimensions et nous réagissons selon des stimuli chargés de ressenti. Notre écriture est dans ce sens, la trajectoire révélée par un ensemble de signes socialisants, appartenant à ce qui est pensable et réductible lors de la notation. La négation de la notation, est la révélation de ce qui reste hors de l’intelligible au premier degré : la codification. Cela n’est pas une vision métaphysique mais le raisonnement qui conduit vers l’expérimentation dans le « contenant » de l’écriture. En physique cela représenterait l’analyse d’un phénomène de l’impossible, en mathématique l’analyse de l’absurde et vraisemblablement inutile, alors qu’en neurosciences, cela mènerait à découvrir le fonctionnement précis de la trajectoire même de l’expression du cerveau.

Dans tous ces cas nous parlons d’expression, de discours et d’imaginaire se rapportant à soi. Ainsi nous restons sur un terrain de recherche cognitive, où la philosophie alliée à d’autres domaines, révèle parallèlement, cet aspect a posteriori au fonctionnement biologique de l’apprentissage – en deux fois selon Voltaire – de ce qui est expressif.

 

1 – Aspects critiques de l’entendement du sensible dans la société pluri-culturelle

 

L’évolution historique des modes d’expression, où se rencontrent tous les paramètres et les phases de l’écriture qui transitent entre l’entendement et le sensible à travers des notations, mais aussi par la lecture, mène à des interprétations suivies d’applications dites artistiques ou artisanales dans les sociétés en pleine évolution.

Cette évolution s’affirme aujourd’hui comme une convergence des sens dont les phénomènes de résistance naissent des tendances à caractère manifeste, se limitant souvent aux codifications primaires, affirmation des croyances représentatives des dimensions supposées vraies se transformant en notations de toutes sortes, attribuées à l’Histoire de l’Ecriture.

L’imaginaire, matérialise dans l’abstraction de toute notion de distance ce qui peut être réalisé sur un support dans l’immédiateté du temps et apparaît constamment productive, c’est-à-dire, elle évolue simultanément à l’acte de la notation mais avec une périodicité différente du temps. « Mon image de lui [Pierre étant X], c’est une certaine manière de ne pas le toucher, de ne pas le voir, une façon qu’il a de ne pas être à telle distance, dans telle position. La croyance dans l’image, pose l’intuition mais ne pose pas « X » [Pierre]. La caractéristiques de « X » n’est pas d’être non-intuitif, comme on serait tenté de croire, mais d’être « intuitif-absent », donné absent à l’intuition. En ce sens, on peut dire que l’image enveloppe un certain néant. Son objet n’est pas un simple portrait, il s’affirme : mais en s’affirmant, il se détruit. » [Sartre – L’Imaginaire ] 

Ce différentiel entre la durée de l’application (de la notation) codifiée et celui de l’évolution de l’imaginaire, donne lieu à des rapports relatifs quant à la réalisation finale, puisque la distance avec Pierre reste relative en ce qui concerne les mouvements de celui-ci, dont la mémoire fait état à un instant donné de sa présence ou de son absence dans un lieu donné. Ainsi, entre l’Imaginaire et sa représentation notifiée il y a décalage des périodes temps. De la même manière, entre la « vision » céleste et son application sur un support il y a « déconstruction » et codification a posteriori, modifiant forcement dans un sens ou dans un autre le contenu symbolique de la vision. Cet aspect se retrouve d’autant plus amplifié, lorsqu’il s’agit d’iconographie suivant un texte ancien.

 

Par conséquent, dans une société occidentale où la mixité des cultures et des pratiques créatives sont confrontées à des pouvoirs qui uniformisent les moyens d’expressions, on assiste à des mouvements contraires qui à la fois repoussent la dite évolution en retrouvant une identité historique déformée par les mouvements des populations et reconstruisent des représentations anciennes dans un contexte dit moderne, c’est-à-dire qui permet un compromis entre la tradition – souvent imaginaire ou rapportée aux outils et des œuvres figurées répliquées – et les modes de pensées traduisant des interprétations postérieures aux lectures des textes anciens.

Ainsi il n’est pas rare de rencontrer un masque africain présenté par un « artisan » de seconde génération qui pratique un art ancestral suivant ce qu’il a perçu dans « l’histoire » de son pays d’origine sans en avoir l’expérience du vécu ou alors un asiatique formé dans une école occidentale qui s’inspirera de sa culture en l’appliquant dans la « fabrication » d’une œuvre et en affirmant son origine et son appartenance à son « histoire ». Souvent cette spéculation dans la manière artisanale de la production d’une œuvre ayant déjà un sens symbolique (reliant le « passé » comme valeur du présent), fera appel à l’historien pour en faire découvrir les qualités et les rendre actuelles.

L’Art n’est plus une pratique de la communication immédiate mais de la représentation d’un entendement sensible ; ce qui fait apparaître une scission entre l’Art et l’Avant-garde artistique. Dans un autre sens, faisons une petite parenthèse pour prendre un exemple significatif, celui de la Chapelle Sixtine. Il y a un lieu hautement religieux, un Pape et un peintre qui doit imaginer un espace consacré à Dieu. Alors il peint la nudité des Anges pour leur beauté et leur pureté, mais il les « habilles » pour des raisons d’étique ; imaginons qu’à la place des Anges, il aurait peint des Chimères elles aussi « antiques ». La prière lue dans les textes anciens, n’aurait plus le même sens de par la « présence » du contraire de l’aspiration des croyants. Pourtant, une prière est destinée à combattre le mal, le mal en soi, demander « pardon » à Dieu6. Par conséquent, nous prions ce que nous voulons « voir » dans un imaginaire faisant abstraction du contraire. Nous n’aspirons pas vers deux choses à la fois mais nous effectuons une classification en plans séparés par un ordre sensitif.

 

Notre Âme ne pourrait pas faire ce raisonnement car l’Âme, ne raisonne pas. Elle ressent le résultat de ce qui est instinctif. Dans les bas-reliefs l’histoire biblique est celle du Christ, du Sacrifice, et non pas celle de l’Enfer ou alors, celui-ci n’est qu’une menace, dont les prières comme les « objets » expriment non pas la peur, mais la certitude d’un entendement de la part de « l’invisible » envers la miséricorde. Nous prions en ayant instinctivement l’image de l’histoire à travers les œuvres dans le Temps.

De par cela, l’œuvre dite artistique sera le résultat de l’entendement traduit par le « sensible » à travers une lecture de l’histoire ; ce qui fait que l’art en tant que tel, appartient aussi à une relecture faite par un historien et par ce biais se développe la tendance et la nécessité de trouver des liens avec des époques de plus en plus éloignées qui justifient ou non une évolution.

« Une histoire de l’art, transforme ainsi une conception de l’art, élaborée à partir des œuvres en élément d’une explication historique indépendante des œuvres mais que les œuvres reflètent. L’historisation de l’art est devenue de cette façon le modèle général de l’étude de l’art. [Hans Belting, L’Histoire de l’art est-elle finie ?]

J’ajouterais à cela, qu’aujourd’hui les analyses historiques remplacent ou se mélangent à celles de la philosophie et cela transforme souvent l’œuvre dans une sorte de compromis entre la justification d’une pseudo continuité de l’histoire de l’art et l’analyse philosophique des concepts appliqués dans le domaine de l’esthétique. A ce niveau il y a non-sens, puisque les œuvres d’Art n’appartiennent pas à l’histoire dans le sens de la modernité des modes du pensé, ni à une esthétique répertoriée dans l’histoire, mais elles sont authentiques et intemporelles de par les qualités qu’elles expriment. Un vase gallo-romain est aussi moderne qu’un vase contemporain lorsqu’on le regarde, et cela sans parler d’un verre de la période préhistorique exposée au musée de Saint-Germain en Laye et dont les formes irrégulières peuvent concurrencer une œuvre du XXème siècle. En cette raison, il ne faudra pas confondre l’analyse historique avec l’analyse esthétique – au sens grec du terme aisthêtikos (qui a la faculté de sentir); les fondements de l’esthétique, résident essentiellement dans l’œuvre en tant qu’œuvre d’un humanisme moderne à toute époque, dans la continuité de l’évolution de l’artiste dans une période sociale et l’entendement d’un apprentissage immédiat.

 

Cet éloignement, nécessaire aux références d’une conscience rendue par des moyens économiques, de plus en plus transversale dans le sens de l’entendement de l’histoire, s’explique également par le fait que plus nous « reculons » plus nous avons la sensation d’avoir une « liberté » de l’entendement, puisque nous nous retrouvons à des époques qui interrogent le contexte historique, le plaçant ainsi dans le présent des hommes et des Dieux, faisant état de vérités chargées de symboles. L’Histoire devient ainsi à travers les époques un vaste terrain d’enseignement et d’expériences réalisées, révélant des sens analysables et surtout interprétables; un réservoir inépuisable de notre mémoire affective éduquée par la connaissance des faits avec tout ce que cela comporte comme risques dans le fait de « dévaloriser » la création non référencée au bénéfice d’un concept de pseudo continuité historique dans les pratiques artistiques. Cela produirait également une confusion entre l’Art et la « nouvelle » étymologie au XIVème siècle, l’Artisanat.

Face à cela, nous disions qu’il se développe un phénomène de résistance, mais paradoxalement il ne s’aligne pas sur les études approfondies mais essentiellement sur le coté symbolique, en laissant libre choix à des genres fétichistes dont l’unique argument est l’usage des nouvelles technologies comme affirmation de la modernité. Autrement dit, la dénomination des métiers des arts engendre la pratique artisanale de ce qui est induit à l’origine même de l’être : la capacité de créer.

 

Prévenons le lecteur ! Cela n’est pas une critique supplémentaire concernant l’originalité esthétique des œuvres selon une classification, mais uniquement l’analyse des pratiques artistiques qui sont révélatrices d’une dichotomie de ce qui est fondamentalement artistique et ce qui appartient à une spéculation médiatique justifiée socialement par le compromis entre la « valeur historique » de l’œuvre et sa contemporanéité.

 

A titre d’exemple, lorsque nous écoutons des musiques tonales avec quelques effets d’échos, de spatialisation des sons, de modélisation des voix, etc..(voire les musiques dites actuelles incluant le rap, la techno, la heavy-métal, la métal…etc), ce qu’il apparaît comme moderne dans le meilleur des cas n’est pas la notation mais l’effet programmé appliqué selon un langage traditionnel. En cette raison, le « programme » programmé par des techniciens informaticiens musiciens, devient le support d’une imagination pseudo contemporaine dont la connaissance se limite à un ensemble de commandes donnant lieu à des collages et des corrections en temps réel selon des normes à la place des styles.

De la même manière lorsqu’un peintre reproduit un paysage mais prétend à la suggestion en appliquant des effets de couteau dénaturant le figuratif, ce n’est pas le contenu de sa pensée qui est moderne mais l’effet. Il y a peu de différence entre Cézanne et Pollock dans la volonté d’exprimer l’originalité de visions, mais il y a une énorme différence entre Cézanne et celui qui n’arrive pas à dégager son style et aboutir à un concept et se limite à la réplication. Lorsqu’un écrivain cherche le sensationnel en usant des « belles-lettres » pour s’inscrire dans une pseudo mémoire historique, il n’est pas contemporain d’un présent et sa conscience devient transversale ; il devient « contemporain » d’un autre siècle – celui de sa propre mémoire affective où « X » s’identifie à ce qui n’existe plus, mais reste parfaitement intelligible à toute forme de lecture. Il devient un « artisan » « populaire ». Lorsque Duchamp propose en 1914 un « repose bouteille » cela n’est pas une création mais la dérision appliquée à l’idéologie de l’art, à sa révolution sociale qui place un objet dans un contexte qui ne lui appartient pas, tel un défi. A partir de cela, nous pouvons édifier un infini de thèses concernant le « repose bouteille » et cela sans y faire appel à l’historien de l’art, comme par exemple : l’objet fut fabriquer à la chaîne, donc l’ouvrage ouvrier devient art populaire ; mais encore, cet objet est l’induction de l’usuel en tant qu’art dans un environnement donné, et aussi, le manifeste de Duchamp face à l’entendement de la notion de valeur.. etc..

Mais l’Art n’est pas « un » défi, n’est pas  « un » effet ou « un » manifeste social puisqu’il est tout cela à la foi à travers les paramètres de l’Ecriture, qui a posteriori signifie les capacités créatives de l’homme. Il révèle par différents moyens ce qui édifie une dimension supposée existante et sensible, qui n’est pas destiné à la « masse » mais qui peut être issu de la « masse », de l’individu qui vit son expérience à l’intérieur, de manière singulière et sélective. Dans ce sens, l’idéologie surmontant la philosophie pour des raisons sociales, dénature le sens, en admettant l’art comme un droit d’accès de la « masse », alors que l’art est ou non une capacité expressive induite à l’individu. Nous argumenterons ainsi plus loin son apprentissage qui passe par l’artisanat et de par cela l’Art est essentiellement une pratique au-delà de l’artisanat.

L’Art est un « métier » selon sa première étymologie, donc une introspection en soi, un discours qui reconfigure ce qui est préétabli comme existant en tant que potentiel de l’Homme ; sa pratique, comme celle de l’Ecriture par la notation, révèle le sens de l’artisanat.

Il implique l’Ame à travers son « éducation » et son expression qui se traduit par les différents langages a posteriori de l’entendement de ce qui est sensible. Il est inné, antérieure à toute naissance puisqu’il se compose en même temps que l’Etre, tel son « discours » ; un être qui n’arrête jamais d’être en pleine mutation de par sa « déconstruction » et sa reconfiguration, telles que les expériences successives lui imposent à travers son évolution dans des « chaînes » d’espaces appartenant à des dimensions visibles ou supposées existantes.

L’Art est une vraisemblance de ce qui devient invraisemblable a posteriori au phénomène d’induction envers la société. La pratique de l’art à travers ses techniques spécifiques, produit la confusion entre réplication et originalité.

En cette raison, l’Art peut être à la fois l’ordre d’un désordre convergeant vers une « erreur » ordonnée par des trajectoires chaotiques et par conséquent, invraisemblable et rejeté par l’entendement du « beau » et du « laid », telle une certaine « folie » relative de la conscience transversale, comme nous la rencontrons chez Artaud et plus anciennement chez Don Quijote.

Ces deux notions provenant d’une simplification de la symbolique des masques dans le théâtre de la Grèce antique, soulève la problématique de l’entendement et des qualités accordées aux œuvres dites contemporaines au XXe s. A cette vision binaire échappe l’esthétique des œuvres antérieures, puisqu’elles revêtent socialement une valeur historique d’un pseudo témoignage justifiant l’irréductible pensée de « révolution » esthétique, autrement dit d’un post –modernisme lattant.

En cette raison, toute œuvre qui échappe à l’analyse sensitive et subjective du beau ou du laid, n’a qu’une valeur relative et sort de tout « usage », celui de la croyance comme celui de la pratique. En poésie comme en littérature il est plus explicite de dire :

Des soleils brillent sur le miroir du Temps – que de déclamer : ReTemps du Roi mimant brillants Soleils…

 

….de mon humble point de vue de mortel imparfait et fini, que puis-je juger de l’ensemble de la création ? Comment saurais-je si ce qui est mal ici et maintenant représente l’absolu du Mal ? Non : il faut prendre du recul par rapport à l’œuvre d’art, embrasser les choses d’un point de vue aussi global que possible, sans quoi mon regard de myope me condamne à ne jamais contempler que les défauts microscopiques de la toile, les points de tapisserie.

Voltaire, Pangloss

 

2 - L’Image du « produit » de la connaissance

 

Peut-on affirmer que nous vivons aujourd’hui l’aboutissement d’une longue période de confrontation et de complémentarité entre les arts, les cultures et la société annonçant un changement fondamental des comportements et des actes liés à la démocratisation des produits de la technologie ? En quelle mesure peut-on analyser l’homogénéité des « discours » et rendre pertinent et prévisible le fonctionnement des comportements et des pratiques « modernes » de par l’originalité de la notation, sans annoncer la « mort » de l’esthétique en tant que moyen d’analyse des qualités afférentes aux comportements sensibles ?

 

Certes, l’Histoire n’est pas réversible puisqu’elle se fonde sur une succession de générations mais cette « révolution » par paliers de la trajectoire historique au XXe siècle, révèle à travers le développement de la communication audiovisuelle affirmée en ce début du XXIème siècle, l’approche différente des valeurs occidentales selon des rapports entre l’entendement et la conscience dans laquelle sont représentés les savoirs appartenant à des cultures différentes. Le fait de voir, d’aller directement au résultat d’une codification symbolisant au premier degré la nature des choses, remplace progressivement l’expérience du vécu, c’est-à-dire, ce qui est « naturellement » nécessaire afin de produire des périodes expérimentales qui édifient la mémoire affective. Paradoxalement, cela mène l’Occident à travers son évolution, à une communication issue de plus en plus du phénomène de réplication de l’apparence en tant que vérité matérialisée à travers des dimensions finies des modes du penser. Ainsi, le paraître devient progressivement contenu d’une communication d’apparence et souvent épisodique ; un résumé d’un espace suggérer afin de déterminer et de matérialiser une dimension invisible. Ainsi, les « traces » de la notation sont remplacées par des « corps » codifiés et singuliers. Leur socialisation est de plus en plus variable selon des critères matériels inversant le processus entre l’entendement et le sensible. Cela implique une partie de la proposition d’une époque post-moderne des modes du penser et repositionne les paramètres de l’écriture selon l’usage des pouvoirs. Egalement, cela correspond à un « retour » des pratiques dogmatiques des religions ; pratiques fondées sur différents aspects du « paraître » et remplaçant progressivement l’objet de la croyance par la nécessité d’extériorisation. Dans ce contexte présent, le discours dans l’Art ne mène plus à des concepts déterministes envers la société, mais revendique un droit de réserves à travers la correspondance entre le genre et sa destination dans les couches sociales. La philosophie devient progressivement, comme nous l’avons affirmé, un degré reculé de l’idéologie qui engendra la succession de pouvoirs qui, formant l’histoire, deviennent les « connaissances » d’aujourd’hui, où l’Art n’est plus une expression de la « passion » mais une pratique consciente de l’événementiel.

Dieu est Mort, affirmait le grand Nietzsche, L’Art est Mort, disait Fischer en 1979 ; Schönberg est Mort ! affirmait Boulez, Je me suis trompé disait Schaeffer à la fin de sa vie, etc..

Mort ! Erreur !

Ce mot émouvant qui représente les « Murs » de l’Histoire, séparant le conscient d’un organisme constitué par un ensemble d’éléments vivants, de la défiguration de ces mêmes éléments dans un désordre inconscient, suggère une recomposition, une reconstruction d’une chose dans le domaine des croyances et de l’imaginaire.

L’homme est vivant, donc rassurons-nous, l’Art est vivant, Schönberg est présent par son œuvre, Dieu nous regarde du dedans puisque nous-mêmes nous le regardons, et la musique dites concrètes nous permis de reconsidérer les matériaux résonants comme possibles instruments avec des timbres nouveaux et surtout de notations originales.

 

D’autre part, le fait de retrouver cet imaginaire uniformisé sous diverses formes de symbolisation et de croyances faussement métaphysiques (etc.), dénature l’expérience du passé historique de l’occident, puisque plusieurs formes d’évolution sociale, plusieurs types d’expériences du vécu et plusieurs cultures se développent dans un même présent, usant de codifications appartenant à d’époques différentes, déjà assimilées par les civilisations Occidentales. Tout cela donne lieu à des mutations et l’apparition de paramètres nouveaux de l’entendement, suscitant et créant souvent des tensions et des crises qu’engendrent à leur tour des phénomènes de réserve et des représentations de résistance.

Dans ce contexte, les « Images » constituent des catalyseurs entre invisible et visible mais aussi des représentations d’un environnement immédiat, uniformisé par la concordance avec les objets existants. Elles coordonnent le sens, même associées aux sons comme c’est le cas en musique. Elles déterminent une fausse « exactitudes » de l’imaginaire suscité par la lecture d’un texte.

Toutefois, lorsque l’image se dissocie de l’objet, laissant place à d’autres espaces de l’imaginaire, elle devient paradoxalement complémentaire au processus imaginatif ; elle devient productive.

Ainsi, la référence historique déterminée par la valeur, n’a plus la qualité d’être, puisqu’elle est du domaine de l’esthétique en continuelle transformation. Ce qui subsiste caractérisé par l’absolue, est l’existence à travers les capacités sensitives induites à la constitution biologique de l’homme ; ces capacités produisent l’expression du sensible en tant qu’art et passion. Ces mêmes capacités induites à des situations diverses, font que l’art devient parfois spéculatif des « réalités » perçues et non plus le fruit d’une « passion », autrement dit selon l’étymologie du mot, l’expression de l’essentiel de l’existence des choses en soi. Il se produit ainsi cette dichotomie entre le visible et l’invisible, puisque ce dernier aspect ne représente que l’aspect inductif, celui qui est forcement intelligible et communicatif, ce qui « choque » lors de la perception physique et qui ne demande pas de « dé-codification », puisque sa finalité est son corps visible. Je ressens une émotion à travers une image qui suscite l’invisible, c’est à dire qui me permet de « déconstruire » et de reconfigurer à travers mes mémoires un imaginaire subjectif.

Dans un ouvrage illustré, imaginons Spinoza dire, Dieu vous regarde ! il est là ! en vous montrant un amas de livres que vous n’avez pas besoin de lire puisque Dieu c’est l’amas. Mais si vous commencez de lire vous êtes « en-dedans » vous déconstruisez l’image de Dieu et vous allez a l’encontre de Spinoza qui redevient fondamental pour la pensée et l’esprit. Vous passez du « figuratif » induisant l’image en tant que finalité présentée de manière topographique, à l’étude des « pierres qui peuvent ou non, édifier le Temple ».

Dieu comme « source » de l’Art, n’est pas le Temple, c’est le résultat d’une lente et longue édification singulière de la prise de conscience par « soi » de la passion.

Peut-être dans ce sens nous pourrions associé l’imaginaire comme une des formes de folie et dire en résumant vite la célèbre éloquence d’Erasme : la « folie » devient écrasante lorsqu’on prend conscience d’elle. Elle devient source et fondement d’une passion de soi envers et à travers autre chose (selon la définition de « la chose » chez Kant), matérialisé par un extérieur à « Soi ».

 

Elle engendre de par cela, nos comportements dans l’Art et l’expression du sensible. Elle est naturellement « binaire » puisqu’elle donne lieu à une multitude de formes de l’écriture et à des multiples formes de lecture et d’interprétations.

Plus fondamental encore, puisque cette « passion » produit dans le sous-conscient des rapports communicatifs entre « l’Etre » et « Soi » ; ces rapports suscitent des phénomènes biologiques et biophysiques représentatifs d’un autre aspect de la « folie » qui singularise l’Etre à travers une classification à sens unique des valeurs dans la mémoire. De par cela, tout converge vers cette représentation unique, vers ce qui est supérieur à « Soi » devenu « instrument » de la « passion ».

Ainsi les domaines les plus touchés sont ceux qui concernent les comportements et les applications, tel l’usage des langages en rapport avec l’écriture, elle-même en relation avec les modes de lecture, les arts en fonction des modes de l’entendement et des concepts, les pratiques culturelles qui signifient dans l’avenir l’orientation et l’évolution des civilisations. Dans ce sens, la notion esthétique du post-modernisme s’accommode difficilement avec les thèses occidentales signifiant le progrès et surtout l’évolution historique selon les principes d’un flux continu du développement.

 

Ajoutons à cela ce qui modifie fondamentalement les attitudes c’est-à-dire les paramètres économiques et de gestions. Economie et gestion, ont instauré progressivement leurs propres codes de déontologie, de langage et de pouvoir à travers une vraisemblance de l’écriture qui passe par la dé-codification de nos comportements, ayant comme visée ce qui est nécessaire, voire utile, instinctif et automatique. Mais les deux domaines qui font parties de l’apprentissage, sont devenus des fondements à nos cultures occidentales et surtout des modes d’expressions idéologiques, s’impliquant dans l’expression sous la formes de moyens existentiels.

En développant leurs propres typologies de « tension » et de « crise » elles influent aujourd’hui à travers les médias, dans le processus d’uniformisation des comportements et des fonctions sensibles à l’homme. Cette « fatalité » combattue par la pratique artistique à été longtemps et constitue toujours aujourd’hui, une source de l’art manifeste, des positions des avant-gardes et du développement progressif d’une esthétique nouvelle. Un des exemples conflictuels où l’art devient l’idéologie des institutions qui l’asservissent, peut être celui de la notion de « propagande », qu’utilisent encore aussi bien des Etats totalitaires que des Etats fraîchement libérés mais qui ont besoin de reconsidérer leur culture et surtouts de recomposer leurs identités artistiques en s’opposant à cette tendance de modèle unique du « bien vivre », qu’imposent l’Economie et la Gestion. Dans ce sens l’art le plus touché, est celui qui se trouve confrontés à la vie sociale quotidienne, c’est-à-dire l’architecture.

Mais ne nous égarons pas dans une analyse sociologique et fatalement économique.

Citons seulement qu’à plusieurs reprises, l’influence incessante des institutions dans les Arts, aboutit souvent à des propositions comme la transformation de l’objet utilitaire au-delà de sa fonction, comme œuvre ouvrière, résultat d’une dérision adoptée à une certaine époque en guise de manifeste, par les Dadaïstes. De la même manière dans les arts plastiques et photographiques, l’œuvre du « laid » de la « dégradation » de soi, de la mort et de la défiguration de l’image de soi ; et dans le domaine de la composition musicale, des œuvres d’après la seconde guerre mondiale, apportaient la vision dramatique, cruelle de réalisme (figuratives) kafkaïenne, telles l’Intoleranza de L. Nono ou Hiroshima de Penderecki.

Depuis les fresques dédiées à la gloire des héros, et jusqu’aux fresques dédiées à la souffrance des hommes, l’Art a toujours constitué le reflet des réactions sociales mais surtout le reflet de l’expression visionnaire du ressenti utilisant les langages constitutifs de l’Etre dans sa solitude et envers les cultures identitaires, problématique posée également par K. Jaspers.

Les quelques exemples que nous avons évoqué, font appel à des techniques d’écriture différentes mais font appel à des notions communes telles le discours et la communication, à travers l’expression contenant entre autres, la codification de l’Image.

 

Par conséquent pour rendre « claire » l’analyse que je vous propose et pour rester dans le domaine des arts, je vais commencer le discours par l’explication étymologique des mots clés, qui ont été souvent et à tort les spectres du postmodernisme, puisqu’un des pouvoirs de l’image est de d’opposer le « produit » final à l’imaginaire, en occultant la « distinction » des choses afin de la rendre « invisible » à travers l’évidence du visible et de l’intelligible lié à la matérialité des objets préexistants.

 

Cela s’avère correspondre à la constitution biologique de l’appareil sensitif humain et à sa capacité d’expérimenter, puisque la perception visuelle permet malgré sa diversité, une matérialisation immédiate des correspondances entre l’objet et sa fonction, alors que le touché et l’ouï, suscitent l’imaginaire afin d’identifier la source et le sens. De part cela, l’image communique dans l’immédiat comme le bruit affirme la présence physique en identifiant l’action. A cette différence majeure : l’image présente »visiblement » l’objet alors que le bruit place l’objet dans « l’invisible » intuitif.

 

Par ailleurs il me paraît également important de porter une attention particulière sur le sens qu’engendre l’origine des mots à différentes époques de l’Histoire occidentale afin de retenir les terminologies qui correspondent à la période contemporaine que nous vivons.

 

- Le premier mot clé est celui du « discours ». Descourir, du XIIIème et XIVème siècles, est, selon le dictionnaire étymologique (sous la direction d’Alain Rey), l’adaptation du mot courir, de l’ancien français du XIIème s., discorre, signifiant parcourir, marcher ça et là. Le mot en tant que tel, n’est pas lié au langage mais plutôt à sa provenance latine de discurerre, formé de dis (particule initiale exprimant la séparation, direction en sens opposés) et de currere (du XIème s. signifiant se mouvoir vite), puis courir, exprimant se répandre en différents cotés, et ce n’est qu’à la basse époque qu’il prit le sens de « parler ».

Au XVIème s., le mot discours, naquit par l’influence du mot cours, et du latin discursus, montrant l’action de parcourir en tous sens, devenu à la fin de la latinité selon le Codex Theodosianus, la valeur de conversation, entretien. Au XVIIème siècle ce mot prend le sens d’expression verbale de la pensée et on commence l’analyse des parties du discours (1637 – René Descartes, Discours de la Méthode).

 

- Le second mot clé qui nous intéresse en rapport avec le discours est le verbe communiquer. Provenant du latin communicare (partager, communier) puis du cum, com, et de municus dérivé supposé de munus (fonction, charge), il fut repris par Descartes en 1647 sous une traduction désignant en physique, la chaleur, le mouvement. Quant à la terminologie du mot communication, il passa du sens de mise en commun, échange de propos, au XIIIème siècle, à son expression moderne progressant du sens officiel (juridique), voire théologique (communication avec Dieu), scientifique (1753, communication de mouvement) à la définition anglicisée utilisée par les médias et la publicité.

  • Le troisième mot est celui de l’expression. Partant du latin au sens figuré, celui-ci devient expression de la pensée et description vivante du supin de exprimere. Au XVIIe.s., le terme s’employait en mathématique en exprimant une valeur, puis un fait exprimant un contenu psychologique de l’art, ce par quoi quelqu’un ou quelque chose se manifeste (1694 par Bossuet). Retenons toutefois la définition du XIVe.s., où l’expression désigne l’action et vers 1656 la manière de parler d’un tour de la langue écrite ou orale.

 

  • Le dernier « mot-clef » est celui de « l’Image ». Au XIIème siècle, le mot garde sa signification latine de « statue » puis, celui d’une vision au cours d’un rêve, mais aussi ymage avec un « y » il prend par extension du sens « portrait », la représentation graphique d’un objet ou d’une personne.

 

 

Au XIIIème siècle B. Latini donne la définition d’un élément du vocabulaire rhétorique; le mot se réfère à l’évocation dans le discours d’une réalité différente de celle à laquelle renvoie le sens propre du texte. Cet aspect rejoint le sens du mot élocution mais après Descartes au XVIIè siècle, il signifie en psychologie, la reproduction mentale d’une perception ou d’une impression, en l’absence de l’objet qui lui avait donné naissance. Ainsi il se retrouve lié au sens du mot imagination et de par son lien avec « élocution », il sous-entend des aspects figurés du comportement. Si jusqu’au XIXème siècle, le mot image à travers le sens de représentation mentale, ne s’applique qu’aux images de la vue, à partir des années 1880 et jusqu’au XXème siècle, il s’étend aux autres impressions sensorielles : l’image sonore, auditive, puis l’image acoustique, graphique d’un signe telle qu’elle se retrouve chez Saussure.

 

Ainsi, la difficulté de comprendre le sens de l’expression orale, gestuelle, simulée ou encore matérialisée au-delà de la communication, suscite des interrogations au sujet des modes de perception et selon les cas, de lecture. Ces deux modes se déterminent chacun de manière différente dans le temps: la perception est immédiate et la lecture se place dans la durée. En cette raison, l’image perçue nécessite ou non un discours dans le sens qu’impose la volonté d’ordonner les éléments constitutifs de l’image.

 

Ce discours n’est pas forcément déclamé, puisqu’il peut se déterminer « tacitement » selon que l’image est une réplication correspondant à ce qui est du domaine d’un ordre possible et préétabli dans la conscience, donc d’un ordre « probable » fondé sur des faits « possibles ». Dans le cas de l’artisan (terme postérieur au mot art) qui s’exprime afin de communiquer, son expression engendre la sensation ou la communication, mais les deux s’inscrivent dans l’imaginaire de celui qui est à l’origine du concept et qui a matérialisé en premier le « produit ». Cela veut dire qu’elles ne suivent pas le même processus mais que lorsqu’elles sont perçues, elles font partie d’un seul contenant.

 

Ce que l’artisan propose, n’est pas toujours de traduire son imaginaire en matérialisant son concept. Il se contente de modifier et de répliquer en partant d’un objet déterminé. Cela rappelle l’exemple de Heidegger lorsqu’il transforme la craie en poussière et obtient toujours de la craie en lui modifiant sa fonctionnalité.

 

Il change le sens mais ne modifie par l’origine. Il modifie la fonction afin de perdre l’identité première de l’objet, ce qui lui donne le pouvoir de formuler avec le même matériau un autre objet pour d’autres fonctions dans le même espace-temps. (Martin Heidegger- Qu’est-ce qu’une chose, V, L’espace et le temps en tant que détermination de la chose). Ayant modifié le « corps » de l’objet et non pas la matière, celui-ci détermine par d’autres paramètres le même espace, ce qui aboutit à la confrontation entre la mémoire et les nouvelles qualités de la chose dans son état au présent et dans un espace qui s’organise à nouveaux afin de contenir la forme.

 

En cette raison l’expression et la communication doivent retrouver une homogénéité puis prendre prépondérance une sur l’autre selon qu’il s’agit d’Art ou d’information.

Dans les musiques actuelles cet équilibre est souvent rompu et la communication prend l’ascendant sur l’expression car elle ramène systématiquement à la matérialité et aux « corps » des signes, sujet développé magistralement par le pr. Eugenio Fernandez, lorsqu’il aborde le corps comme prémisse et finalité de l’édification sémiologique, tel que Derrida l’explique dans Glas, en écrivant au sujet du culte phallique dans l’antiquité grec.

 

E

n contrepartie à cela, « l’angoisse » de réaliser le pas vers « l’expression sans matérialisation immédiate» se transforme souvent en psychose et se retrouve dans l’écriture en tant que trajectoire de la  « folie » où tout élément est abstrait car il signifie l’invisible, l’impalpable, le désir du troubadour et le courage « Quichotesque » du héros qui est continuellement dans « l’erreur » mais dans « son » mouvement engendrant son action « aveugle », puisqu’il ne trouve et ne cherche jamais la « clé » qui lui permettra de faire correspondre le réel avec l’irréel, l’objet de sa communication avec le sens de l’expression. Ce personnage devient aimé, poète dans l’âme tel Mercutio, et meurt sans que personne ne comprenne le pourquoi de son « sacrifice ».

 

Autrement dit, ce type de personnage n’aboutira pas à homogénéiser matériellement son discours afin de le cristalliser en image ordonnée pour une lecture logique de la part de la société. En quelques sortes, l’artisan empreint de l’histoire qu’il assimila par expérience ou par formation, s’éloignera du modèle pour proposer de manière singulière les dérives qui l’emmènent à la pratique de l’expression. En composition musicale, cela correspond à la nécessité ressentie à la fin du XIXème siècle par des compositeurs comme Debussy et Schoenberg, afin de s’éloigner (non pas de rompre) de l’apparence, en proposant une sorte de « renaissance » où l’expression n’est pas un processus logique communicant, mais une manifestation essentielle du ressenti en rapport avec la passion (lat.: passio, passionis) dans sa signification déterminée au IVème siècle par Charisus à Varron au sens de douleur morale.

 

Ainsi, au traitement musical de Debussy qui rend la linéarité de la notation comme contenant des rapports modaux harmoniques ouvrant la voie au graphisme prosodique du langage, Schoenberg propose, outre le Pierrot Lunaire, dans la continuité de la tradition allemande la redistribution des fonctions et des identités sonores. Toutefois, malgré des résultats sonores nouveaux, à l’avant-garde de la modernité musicale de l’époque, les deux notations restent dans la tradition qui permet même à un non-musicien de comprendre qu’il s’agit de codification sonore.

 

Au-delà des réalisations de Schoenberg, nous retrouvons celles de Webern. Celui-ci associe à la notion du « silence » celui de la « mémoire » en tant que catalyseur du ressenti post-perceptif, suscitant ainsi la re-écoute intérieure des « traces » que laissent les trajectoires des figures sonores. Ces transformations qu’un peintre qualifierait « à l’intérieur d’un cadre » sont significatives du processus instaurait par les artistes préoccupaient au début du XXème siècle, par les liens directs entre la liberté qu’offre l’écriture par rapport à la théorie de la notation.

 

Si dans la peinture un artiste comme Kandinsky fut qualifié de trop avant-gardiste par ses propres confrères, en musique les réactions furent catastrophiques puisque la vie sociale et les événements de l’époque empêchèrent une rapide orientation du sonore vers la modification permettant la suggestivité en tant que phénomène d’hypotypose libérant les paramètres du discours.

Par conséquent pour aboutir à une nouvelle écriture, il a fallu attendre les premières réalisations des avant-gardes des années 1960. Celles-ci, profitant du rapprochement des arts avec la technologie, elles fondèrent leurs réalisations sur les nouveaux codes et définitions issues de l’imagerie mathématique et physique du « monde » des sons afin d’accentuer la différence entre écriture et notation traditionnelle.

 

Cette écriture qui fait usage d’une multitude de type de notations appartenant à divers domaines, fait abstraction des trois grands procédés qui gouvernaient l’expression depuis l’Antiquité: l’épopée, la tragédie et le récit épique. Dans ce sens elles déterminent le graphisme comme trajectoires en apparences chaotiques, n’ayant pas de fixité dans le Temps et l’Espace et, par ce biais elles défient le logicisme de l’entendement. Elles ouvrent ainsi paradoxalement la voie du discours, selon son ancienne étymologie, laissant entrevoir une multitude de langages possibles à partir du graphisme. Dans ce sens les protagonistes de l’époque se déterminaient sciemment ou inconsciemment dans la lignée des propositions pour un langage « universel » de Fregge et de Russel.

Leur « nouvelle » musique de l’époque, déterminait de plus en plus la « révolution » de la trajectoire historique, puisqu’elle reprenait l’histoire à partir de l’antiquité, afin de dépasser le phénomène moderniste et d’entamer une nouvelle évolution historique de l’entendement sonore, de la lecture et par antagonisme de la notion de création.

La critique de ce mouvement entraîna une situation de crise à travers des phénomènes de résistance, dont nous citerons deux, puisqu’ils sont liés à la thématique que je vous propose.

- Le premier phénomène provient de la nécessité ressentie de « déconstruire » le discours puisqu’il fallait inclure, par induction, des paramètres étrangers à la notation telle qu’elle avait aboutie au début du XXème siècle. Cela signifie que ce qui apparaissait comme construction logico-historique, déterminant l’évolution de la notation du discours, devait revenir à des concepts « indéterministes » caractéristiques de l’Ecriture.

Les différentes œuvres de Varèse, Scelsi, Stockhausen, Boulez, Maderna, Nono, Pousseur, Xenakis et bien d’autres car la liste serait longue, proposent cette orientation dès les années 1950.

Il ne s’agissait plus d’une notation par réplication, constituée d’enchaînements d’entités « figuratives » fondées sur la syntaxe expérimentée depuis des siècles par l’oreille « formée » à ce type d’ordre, mais des éléments sonores redistribués dans l’espace-temps afin de susciter et de solliciter constamment les « circuits » cérébraux qui produisent l’imaginaire. La problématique qui en résulte est celle du manque total d’appel fait à l’expérience consciente ou celle de la mémoire. Il n’y a ainsi aucune matérialité visuelle du « beau » préexistant et dans ce sens on peut admettre le concept de John Cage au sujet de la création.

 

Selon ce raisonnement, on peut également affirmer que celui qui écrit ou compose, se place toujours dans le jeu des mouvements qui traduisent les durées et construisent un Espace –Temps où, aussi bien le compositeur que le public s’inscrivent a posteriori.

Cela implique que l’œuvre détermine progressivement cet espace qui sera quantifié à posteriori de sa perception, en sections du Temps regroupant les durées des mouvements, leurs rapports entre leurs intensités et leurs capacités de définir l’Espace dans lequel s’organisent leurs trajectoires.

 

Cet aspect peut être commun à toute œuvre sonore, comme à tout langage oral, puisque son contenant est le rythme. Lorsque le rythme se retrouve comme premier plan d’une distribution sonore, il assure le lien « nerveux » avec le corps et relègue même au second plan ce qui doit être intelligible de par la logique de l’expression parlée. Il devient expression à lui tout seul. Mais lorsqu’il est associé à la hauteur des sons, il sert de support à ce qui doit être entendu dans le sens symbolique.

Pour résumé ce premier point, je vous propose une première affirmation :

  • la déconstruction du discours libère le développement chaotique des éléments qui constituent celui-ci. La perception s’effectue alors de manière aléatoire, c’est-à-dire individuelle et en dehors de toute volonté de cibler l’objet par la communication. Le résultat relève véritablement du domaine du sensible.

  • Le contraire de cette affirmation représente l’attitude de résistance : la déconstruction étant contraire à l’apparence, donc à l’image, elle ne peut être comprise qu’en tant que première étape de la trajectoire de l’entendement lors de la socialisation.

Ce qui fait qu’aussi bien Don Quijote, que Mercutio, ou le metteur en scène chez Pirandello, ne peuvent être perçus autrement qu’en tant que des acteurs vivants périodiquement les instants sensibles de l’existence; autrement dit, devenant « visibles » qu’à travers leurs passions.

 

A l’audition d’une œuvre musicale, ces aspects diffèrent par un élément fondamental: le compositeur ne s’expose que rarement physiquement.

Il transmet par l’interprétation de son œuvre, le ressenti d’un désordre apparent où le discursus signifiera toujours, la représentation d’un ensemble de mouvements à la recherche de leurs objectifs.

- La crise à cette affirmation révèle un autre phénomène de résistance de par l’utilisation de l’image en tant que médiateur du mouvement. C’est le cas de la cinématographie, puis de la vidéo.

 

Nous arrivons ainsi au second point de cette présentation, c’est-à-dire la configuration de la mémoire vers l’artisanat technologique.

A l’opposé de la photographie, la succession d’images assimilée à la succession des mots dans une phrase produit une vraisemblance du mouvement, ce qui fait que nous arrivons à la même affirmation que lorsqu’il s’agissait de discurir.

 

Cette technique inventée depuis plus de 100 ans aujourd’hui, dans le domaine de la cinématographie, pose un réel problème lorsqu’il s’agit d’affirmer l’œuvre dans son originalité. De part cela on arrive à des appellations de plus en plus abstraites du point de vue de l’interprétation de ce mot qui suscita depuis le XIXème siècle des thèses éloignées de l’étymologie du mot Art, bien antérieur au mot artisan, en l’associant définitivement avec le « Beau » de Kunst, de Schelling, avec la notion de création esthétique, ce qui lui donna un sens esthétique dérivé de la séparation avec les arts libéraux du trivium et du quadrivium. Il s’agit de préciser en fonction des orientations des pratiques qui nous sont contemporaines, le retour à la définition des racines er ou ar indo-européenes, puis de sa signification arménienne, grecque, latine et provençale désignant successivement arariskein (arranger), arthron (articulation) tekné (technique) chez Aristote dans le sens de la méthode de création, ars –artis (accusatif féminin signifiant « façon d’être » et plus tard le sens d’habilité acquise par l’étude et la pratique, jusqu’à son sens maléfique donné dans la chanson de Roland en 1080 le males arz, mauvais arts de la sorcellerie.

 

Toutefois retenons la définition latine inspiré de la poïetike, mais traduite dans le domaine institutionnel par la désignation des disciplines enseignées dans le quadrivium: arithmétique, géométrie, histoire, musique. Il s’agit-la de techniques intellectuelles orientées vers la maîtrise du langage, des structures numériques et sonores, musicales et de celles du discours de connaissance (historia) ou de conviction dans le cas de la rhétorique qui faisait partie du trivium avec la grammaire et la dialectique.

Ce qui est en tout cas important c’est le fait de retrouver vers les années 1950, une généralisation du sens fondamental des Arts, qui remet en cause la notion de valeur du « beau » mais qui malheureusement occulte par la même occasion celle de l’évolution esthétique à cause d’une remise en question des qualités éthologiques des pratiques.

 

De par cela le phénomène de résistance imposée par la politique de socialisation des Arts, dans la société occidentale actuelle, se traduit selon des critères économiques puisque la notation fut remplacée par la notion de programme, ce qui donne naissance à un amalgame ou toutes formes de réplication retrouve une justification dans l’histoire étymologique du mot. Mais cela constitue une recherche sociologique qui, encore une fois, nous « éloignerait » de notre sujet.

En tous cas, ce qui me paraît important à retenir est le fait que le paradoxe de l’écriture du sonore provienne essentiellement du fait de la difficulté de s’éloigner le plus possible de la relation notation-objet en la rendant inutile à l’essentiel de l’expression et en aboutissant sur la suggestivité. En cela, il y a de plus en plus une prépondérance du rythme sur la dite mélodie afin d’éviter la configuration d’une mémoire affective de l’intelligible en tant que chose entendue et valorisée strictement par l’expérience. Cette allusion au rythme est en relation directe avec la perspective d’une nouvelle sémiotique du mouvement et non pas, comme malheureusement c’est le cas par dérives successives, la réductibilité aux corps constitutifs d’une codification uniformisée.

 

En guise de conclusion à cette brève présentation je vais aborder l’écriture de ma pièce Sueño, que vous entendrez au concert de ce soir.

Lorsque j’ai commencé à l’écrire j’avais le choix d’échapper à la notation ou alors de prendre le risque d’être cataloguer (en premier par moi-même) de post-moderne. Finalement j’ai opté pour la notation, en appliquant ce que je viens d’argumenter, c’est-à-dire privilégier la construction rythmique au-delà de la notation phrasée.

 

Cela se traduit par un flux sonore sans aucune interruption, une trajectoire dont le mouvement continu change d’allure mais ne s’arrête qu’à un point donné comme finalité de la rencontre des deux instruments. Il n’y a aucune construction formelle autre que celle qui se détermine par des structures libres. Cela pose le problème entre une notation rigoureuse et les paramètres chaotiques de l’écriture ce qui présuppose d’accepter l’expression comme résultante aléatoire du mouvement et non pas comme issue d’une présence fixe, dont la perception de cette fixité finit par rétrécir progressivement l’espace, le réduisant à une seule dimension humaine du « soi ».

 

Je terminerai par un résumé de la phrase du compositeur italien Franco Donatoni qui me disait souvent: j’ai fais un nouveau rêve, mais je suis un comptable et un artisan, à chaque fois que je compose je me décompose avant, et j’ajouterais: l’important ce n’est pas de compter les mots du discours pour savoir s’ils peuvent resservir un jour mais d’arriver à se décomposer jusqu’à sa propre écriture et de percevoir ainsi que l’expression existe en dehors de l’image ou de la communication et qu’elle n’est pas une fiction mais une nécessité existentielle qui mène à discurrir en-dedans de la passion.

Merci de votre

1 Théorie des « cordes ».

2 G. M. Edelman, Biologie de la conscience Ed. Odile Jacob Paris

3 J.D. Vincent, Biologie des Passions Ed. Odile Jacob Paris

4 A. Thomassin, Biologie d’une mémoire créative, Colloque Mémoire et Création Université Paris VIII, ouvrage collectif Ed. L’Harmattan Paris 2002.

5 Voir les Poèmes du silence, de Jiri Kolar, Ed. De La Différence, Paris.

6 Virgile, Enée aux Enfers :  « Se peut-il qu’il y ait chez ces malheureux un si funeste désir de lumière ? ».

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